De la lepénisation des esprits à la pénalisation du peuple

Publié le 01 mai 2012 par Soseki

« Quelle horreur ces Français qui votent Le Pen », déclare une jeune « pétasse » d’un quartier chic de Paris, « voilà pourquoi je ne vote pas ! » : tout est dit… manque plus que le « j’ai honte d’être Française », habituel éruption vocale du crétin mono neuronal.

Pourquoi les Français ont ils été si nombreux à voter Marine Le Pen ?

Il est préférable de demander à ses électeurs, sans montre d’aucun mépris ou parti pris. Alors la réalité s’impose et met mal à l’aise.
Exemple symbolique de mes rencontres électorales : un jeune couple a voté Le Pen pour la 1ère fois, elle jeune femme blonde briarde, lui, son compagnon, d’origine Vietnamienne (ses « copains » sont la plupart du temps d’origine maghrébine), ils vivent dans un quartier un peu populaire d’Ile-de-France. Pourquoi ce choix ?
• peu diplômés, ils sont en concurrence directe avec les étrangers ou personnes d’origine étrangère pour avoir un travail
• de même pour l’accès aux logements
• ils sont exaspérés par la petite délinquance quotidienne (tags, mobiliers urbains abimés, cris, etc.)
• ils ont chacun un travail difficile et pas très bien payé : ils considèrent les chômeurs et autres personnes qui vivent des subsides de l’Etat comme des parasites
Ces propos, je les ai beaucoup entendus ces dernières années, et ils s’amplifient.

Le vote Le Pen est 1er chez les non et peu diplômés, chez les jeunes, dans les banlieues et zones périurbaines, petits salaires du privé. Souvent il s’agit de personnes qui ont des amis, voire des conjoints, étrangers ou d’origine étrangère : ils ne font pas le lien automatique entre « l’étranger » et leurs problèmes.
La question est donc moins raciste que sociale : ce vote part d’un intérêt individuel, d’un contexte social. Le concurrent est l’assisté et l’étranger au sens de l’autre, le « non connu », s’appliquant à ce qui est éloigné de soi (comme l’Europe).
Ces personnes ne sont pas sensibles aux propos liés à l’extrême droite habituelle, aux références à la 2de guerre mondiale, la collaboration, etc. Il s’agit bien d’un « national-populisme », populaire. Ils recherchent moins un pouvoir fort qu’une « karchérisation ». Sur eux, la gauche n’a aucune prise et c’est pour cela que le PS, et le front de gauche, n’ont plus de liens avec les « classes populaires ».

Est-ce qu’un Démocrate a plus de légitimité à leur parler ?

Je me souviens de discussions, il y a de nombreuses années maintenant, avec J-C Lagarde, aujourd’hui député-maire de Drancy. Nous étions « JDS » et parlions des problèmes d’insécurité dans les banlieues, d’absence de perspectives pour les jeunes, surtout les moins diplômés, qu’on ne mettait pas en avant les jeunes issus de nationalité étrangère qui réussissent en France, etc.
Nous n’étions pas écoutés par les gens issus des « beaux quartiers », les mêmes aujourd’hui submergés par la « lepenisation des esprits ».

Quels sont en réalité leurs problèmes ?
• l’accès à des formations concrètes
• avoir un travail, donc pour les jeunes « s’intégrer » dans la société
• l’accès au logement
• « vivre en paix », c’est-à-dire dans le calme d’une sécurité « tranquille »
• Avoir accès à la consommation de masse (logement, voiture, téléphonie)
Les différents pouvoirs ne leur ont pas répondu, préférant les cataloguer, et réduire, dans la case « Le Pen ». Mais plus les gouvernements ont attendu, plus les réponses sont devenues complexes, et le vote massif.

Comment faire comprendre :
• qu’ils sont en concurrence avec la main d’œuvre ouvrière, les techniciens, chinois, indiens, brésiliens, etc. ?
• pour qu’il y ait emploi, il faut créer de l’offre, réindustrialiser, et non sur des produits où des pays comme la Chine ont à présent des décennies d’avance (comme le textile), mais sur de nouveaux produits nécessaires, exigeant intelligence et savoir-faire (comme les composites), reposant sur des ressources européennes ?
• c’est le manque d’offre de logements, notamment social (accession sociale à la propriété), qui provoque les forts loyers
• c’est l’arrivée de générations de retraités qui n’a connu pratiquement que les 30 glorieuses (70 % de la richesse nationale appartient aux 65 ans et +), peu imposés et à qui aucuns candidats à la présidentielle n’a demandé un effort, qui accentue le coût de l’immobilier, et sont à des années lumières de leurs réalités sociales
• ce n’est pas l’euro le problème – sinon Allemands et autres Scandinaves connaîtraient nos soucis de dettes – mais à la fois les dettes publiques qui obèrent nos ressources, la rigidité des statuts du secteur public et CDI des grandes entreprises qui empêchent la fluidité du monde du travail, interdisent de même les échecs, l’absence d’un appareil productif performant créant des produits à l’image positive. Comment admettre par exemple la publicité pour les véhicules Opel, avec en ce moment la mise en avant du technicien allemand-grand-blond-costaud qui séduit la Française (cela rappelle l’Occupation où le « mâle » Français était présenté comme un petit-moustachu-grassouillet et veule) ? Pourtant jamais Opel n’a déposé de brevet, alors que Renault et PSA à l’inverse sont auteurs du turbo, du moteur HDI, des monospaces, etc. ?

Les problèmes et questions de ces électeurs de M. Le Pen sont dans la proximité, or les réponses sont dans le global :
• élaboration d’axes stratégiques de développement économique à l’échelle européenne (exp : matériaux composites (pour la construction, transports, vêtements, etc.), énergies renouvelables, transports, chimie verte, robotisation, économie spatiale, exploitations sous-marines, etc.), avec de forts investissements de l’Union européenne pour la recherche et la constitution de « grappes d’entreprises » en lien avec les écoles
• régulation financière européenne (achat de valeurs mobilières à crédits et court terme, rôles des banques financières, fiscalités)
• baisse des dépenses publiques (Etat et collectivités territoriales) qui ne reposent pas sur des investissements structurels, audit des dépenses et de leurs mises en œuvre
• incitation à la construction de logements sociaux (accession sociale à la propriété), « deal » régionaux avec les agriculteurs pour échanger des terres peu productives en vues de constructions immobilières pour à l’inverse sanctuariser les terres fertiles (qui contribuent à la réindustrialisation)
• mise en place de la « flexsécurité » : (statuts moins rigides, obligation de proposer des formations, puis des postes liés)

L’objectif doit être de rendre à nouveau l’offre française attractive. Ce ne sont pas les augmentations d’impôts qui vont créer des emplois !
Les Allemands, avec le SPD de Schröder (agenda 2010) ont été capables de le faire. Les Français ne sont pas moins capables ou intelligents que nos frères Allemands. Notre peuple est particulièrement créatif, réactif, cultivé, notamment grâce à sa diversité. Mais notre peuple a besoin d’avoir à sa tête des gouvernants qui leur indiquent ces axes stratégiques, leurs mises en œuvre, combien de temps il faudra, et parler vrai.
N. Sarkozy et F. Hollande ont préféré éviter d’emprunter ce chemin difficile mais honnête. Il nous manque un De Gaulle, ou un Raymond Barre. François Bayrou s’y est essayé, mais n’a pas su convaincre, ce qui pouvait paraître prévisible depuis 2007…

Alors il nous faudra refonder l’alliance des républicains, libéraux, démocrates, radicaux, pour apporter aux Français tant une politique sûre que des politiciens attrayants, imposer le modèle de « l’économie sociale de marché » ou « modèle rhénan ». Cette alliance doit dès la constitution du prochain gouvernement influencer, et non demeurer dans la posture de l’opposant.
Car, seuls, F. Hollande ou N. Sarkozy n’apporteront pas les bonnes solutions. Les partisans et alliés de F. Hollande sont dangereux par leur irresponsabilité. N. Sarkozy l’est par ses tentatives « néolibérales » des 2 premières années de mandat. Il faut que nous assumions le pouvoir, ou bien ce sera encore le peuple qui sera pénalisé, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment écœuré pours se donner entièrement à Marine Le Pen.