La neige et la verdure

Par Alaindependant

  Ce n'est point à Damas, ce n'est pas dans ce château funeste aux guerriers chrétiens, qu'elle déposera sa proie, honteuse de sa faiblesse: dévorée d'une flamme jalouse, elle va, loin des rives connues, se cacher au sein de l'Océan. Dans les lieux où jamais n'abordèrent nos vaisseaux, elle choisit pour son séjour une île déserte et solitaire, une de ces îles que nous appelons Fortunées. Sur la cime d'une montagne que couvrent des ombres épaisses, elle creuse un lac, bâtit un palais: par la force de ses charmes, le pendant de la montagne est couvert de neige, pendant que le sommet est couronné de fleurs et de verdure.

Torquato Tasso, Jérusalem céleste, chant XIV, cité par Aragon dans Il ne m'est Paris que d'Elsa (Seghers, 1975, p. 101)