Au secours, la gauche va avoir « tous les pouvoirs » !

Publié le 09 mai 2012 par Variae

Le dernier résistant à l’hydre rose – Nicolas Sarkozy – étant tombé, une terrible menace pèse sur la France : l’accaparement par les socialistes de tous les pouvoirs. A peine la défaite du président sortant entérinée, les ténors de l’UMP se sont succédés dans les médias pour dénoncer ce danger : « Aujourd’hui tous les pouvoirs peuvent être aux mains des socialistes, la présidence de la République, une majorité des régions, des départements, des grandes villes », constate ainsi NKM rappelant que la France est un « pays d’équilibre », tandis que Xavier Bertrand appelle pour sa part à un « vote d’équilibre » et que Jean-François Copé demande d’« empêcher que la gauche ait tous les pouvoirs ».

 

L’argument est subtil et dénote d’un sens aigu de la démocratie et du juste fonctionnement de la République que l’on ne soupçonnait pas forcément dans le parti de Nicolas Sarkozy : en vertu d’un loi non écrite, mais aussi moralement contraignante qu’un grand commandement biblique, il ne serait pas bon que les électeurs, peut-être par manque d’attention, ou peut-être bernés par le fait que toutes les élections n’ont pas lieu en même temps, en viennent à choisir à tous les niveaux du pays les représentants de la même famille politique. Et ils devraient, au moment de faire basculer le dernier domino en faveur de cette famille, contribuer à un sursaut, et voter en sens inverse de leur choix d’un mois avant.

C’est étrange : alors qu’à entendre Copé et autres NKM la présence d’un parti à toutes les strates du pouvoir est un danger bien réel, l’idée ne leur est pas venue, alors qu’ils avaient tous les leviers utiles (Parlement, présidence) pour le faire, de réformer la constitution pour interdire ce cas de figure. On aurait pu imaginer, par exemple, de mettre en place un principe de responsabilité tournante, qui par ailleurs épargnerait bien des maux de têtes et des dilemmes cornéliens aux électeurs : quand un parti gagne un scrutin qui le met en position d’avoir « tous les pouvoirs », alors il ne participe pas au scrutin suivant, ou il appelle ses électeurs à voter pour le camp adverse. Plus étonnant encore, j’ai beau faire un prodigieux effort de mémoire, je ne me souviens pas que l’UMP, en 2010, contrôlant Sénat et Elysée, et ayant remporté coup sur coup les élections législatives et européennes, ait sportivement décidé de ne pas concourir aux régionales, pour le bien de « l’équilibre du pays », ou ait appelé les Français à un vote d’équilibre.

Sauf à considérer, peut-être, que seule la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de la gauche est dangereuse pour la France, parce que la gauche n’aurait pas la légitimité naturelle de la droite pour prétendre à cela, et parce qu’elle ne saurait parvenir aux responsabilités, comme l’a dit le bon Baroin, que « par effraction » ?

Je laisserai le mot de la fin à un honnête homme que l’on ne peut soupçonner de compromission ou de tendresse à l’égard de François Hollande et du socialisme : « sans majorité [à l'Assemblée Nationale], le Président de la République ne peut pas mettre en œuvre le projet que vous avez choisi à l’élection présidentielle. Alors je vous le demande, mes chers compatriotes : donnez au Président de la République une majorité, et nous pourrons ensemble rénover notre pays, préparer l’avenir des générations futures ». François, nous te disons merci de la part de François.

Romain Pigenel