La traduction de “Notre Père” en LSF : mode d’emploi

Publié le 10 mai 2012 par Stéphan @interpretelsf

Pour prolonger le billet précédent qui vous présentait la traduction de l’Évangile de Luc en langue des signes française, je vous propose de nous attarder sur l’un des passages les plus connus, le “Notre Père” (Luc 11:1-4), qui, notons le, présente quelques différences avec celui de Matthieu (6:9-13) qui est récité lors des eucharisties.

La traduction présentée par cette femme sourde dans le DVD me semble très juste aussi je vous propose de la décomposer en 8 images avant de l’apprécier dans son intégralité. Ce sera aussi l’occasion de vous montrer combien cette langue est d’abord visuelle.

Voici l’extrait du texte traduit du grec classique vers le français :
Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à prier, comme Jean-Baptiste l’a enseigné à ses disciples.
Il leur dit : Quand vous priez, dites : Père ! Que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne.
Donne-nous chaque jour notre pain quotidien ;
pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous pardonnons à quiconque nous offense ; et ne nous induis pas en tentation.

La traductrice commence par placer le décor. En haut à gauche de l’écran, Jésus-Christ (le signe est : majeur droit touche paume gauche puis majeur gauche touche paume droite) prie.
Ses disciples, placés à droite le regardent (les doigts en V qui se tournent vers le Christ). Enfin ce dernier se dirige vers eux (c’est l’index qui descend de la colline) pour entamer la conversation.

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Elle tourne son buste et son regard vers l’emplacement supposé de Jésus-Christ et elle  “devient” les disciples (en linguistique on dit qu’elle opère un transfert ou une prise de rôle) qui s’adressent au Messie.
Le signe qu’on voit sur la capture d’écran “enseigner” est tourné vers elle indiquant ainsi dans sa prise de rôle que c’est Jésus-Christ qui va enseigner à ses disciples comment prier (et non l’inverse).

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A présent elle s’est redressée, elle “est” le Christ qui s’adresse à son Père quelque part devant elle (et cela jusqu’à la fin de cette prière).
Pour signifier “saint” elle fait un signe de haut en bas pour désigner quelque chose qui vient du ciel et se dirige vers le cœur. La paume ouverte est un geste de confiance.

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Toujours face à nous la traductrice/Jésus-Christ  poursuit sa prière.
Le signe pour exprimer le terme  «Royaume de Dieu» est très élaboré (je le trouve très beau). Il part d’un doigt dressé désignant le ciel pour l’attribuer à Dieu. Puis les deux mains ouvertes se rapprochent – elles indiquent ainsi que le projet de Dieu implique une rencontre de plusieurs personnes – puis les mains forment une boule, comme une mappemonde. Elles dessinent enfin ce royaume en pivotant l’une sur l’autre, dans un mouvement qui montre qu’il est en devenir.

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On retrouve le signe standard pour [pain] : elle tourne sa main vers le torse, comme si elle tenait un pain, tandis que l’autre main le tranche pour le partager.

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Le péché est désigné par la main droite en forme de bec de canard qui frappe deux coups rapides dans le côté (c’est le même signe que pour dire coupable).
Puis le pardon est exprimé par les deux mains qu’on frotte l’une sur l’autre comme pour laver quelque chose. Ce frottement est effectué en un large mouvement circulaire des bras, qui sert à englober la multitude, à désigner le “nous”.
Notez aussi l’expression douloureuse du visage. Ce n’est plus une simple demande, c’est une supplication. Enfin vous aurez remarqué qu’on signe la phrase dans un ordre différent du français : “nos péchés, pardonne-nous”.

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Le poing fermé évoque la violence, tandis que l’autre main cogne vers la traductrice/Jésus-Christ.
C’est de nouveau un verbe directionnel pour figurer tous ceux qui veulent faire du mal aux chrétiens en général, au Christ en particulier. L’expression du visage a changé pour suggérer la souffrance puis elle s’apaisera avec le signe du pardon.

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Pour exprimer la tentation, les égarements, sa main droite avance en mouvement sinueux. Par ce mouvement on peut aussi y voir une allusion à l’image du serpent rampant sur le sol (la main à plat). Cela rappelle bien sûr le serpent qui tente Eve dans la Genèse.

Maintenant le tout en mouvement :