- Zulma -
Parution posthume de l'écrivain Pascal Garnier disparu en 2010, Cartons est un roman noir au style parfait, la tension monte tandis que personnages et lecteurs s'enfoncent. C'est le noir de l'humour d'abord, le noir de l'atmosphère dramatique ensuite.
A la dérision et l'ironie de la première partie sur les affres du déménagement - aux pages d'anthologie - auquel est incapable de faire face Brice - " Vous faites chier, les intellos, faut pas tasser les cartons de livres, comme ça ! - Désolé, je ne savais pas. - Ben comme ça vous saurez. " - succèdent un temps flottant, une forme de délire, de dérive. Le héros de cette histoire se perd dans sa nouvelle maison, impuissant à reprendre le cours de sa vie, à donner à ce nouvel environnement une dimension de nouvel univers, de nouvelle vie - " Il fit le tour des chambres, se rucifiant à chaque fenêtre pour maintenir bras ouvert les volets. De l'extérieur on aurait pu croire un coucou suisse. Dong, l'horloge du clocher lui asséna la demie. " Désoeuvré, apathique, il éparpille le contenu de ses cartons, s'éparpille, s'intallant dans le garage au coeur du déballage dont chaque objet n'a plus de sens - " La vie lui tombait des mains " - Ou en a trop. Ensemble, comme des épaves d'une existence d'avant. Presque un coma, une perte de (re)connaissance. La rencontre avec Blanche l'entraîne hors de cette nébuleuse vers le monde trouble et incertain de la jeune femme, tout aussi lourds de souvenirs. La lueur est blême, leur hospitalité est inhospitalière. L'air devient pesant, plombé, menaçant, vicié de souffrances occultées; le délire cède la place à la folie, aux tragédies.
Cartons, c'est le deuil d'une vie. Et l'amour à mort.
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" - ... promettez-moi de ne pas mourir.
- Je ferai ce que je peux, mais...
- Ne croyez pas ce qu'on vous dit. Il n'y a rien en haut, rien en bas. Juste nous, ici et maintenant, comme des naufragés. "
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