En souvenir de Pierre Laval, le communazi

Publié le 11 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Pierre Laval incarne à la perfection la stupidité des étiquettes politiques collées par la gauche : c’est le parfait exemple du « Communazi ».

Par Bruce Walker, États-Unis.

Pierre Laval

Il existe une ligne idéologique artificielle. Celle qui met Hitler et Mussolini d’un côté, Staline et Mao de l’autre. C’est une posture fausse. Barry Goldwater est connu pour avoir déclaré à la convention républicaine de 1964 : « L’extrémisme dans la défense de la liberté n’est pas un vice. La modération dans la poursuite de la justice n’est pas une vertu. »

Les Américains se laissent berner sur l’imaginaire d’extrême droite. Le sénateur Robert Taft, le président Calvin Coolidge et le représentant Ron Paul croient dans l’individualisme et le christianisme. Les antithèses du totalitarisme et du collectivisme laïcard. Durant la période du pacte germano-soviétique de non agression (Août 1939-Juin1941), c’était clair : il était grotesque de placer un régime du côté de l’extrême droite, et l’autre du coté de l’extrême gauche.

Au cours de ces 22 mois, le terme « Communazi » a été utilisé pour décrire ceux qui participaient au pacte de non agression pour attaquer le monde libre. Les membres du parti communiste américain et d’autres activistes de gauche rejoignirent le Bund, organisation pro-nazi aux États-Unis, qui avait des liens étroits avec Berlin. Et les adhérents du Bund, groupement nazi, rejoignirent le parti communiste américain.

Ce qu’il s’est passé en Amérique s’est aussi déroulé en Europe. Moscou avait donné l’ordre aux communistes allemands de rejoindre le parti nazi. Facile : les thèmes communs de ces mouvements (la haine des chrétiens et des juifs) et le mépris pour la liberté les rapprochaient. Il ne faut pas oublier que Staline avait à peu près purgé tout juif du Politburo ou de toute haute fonction soviétique, comme Himmler avait ordonné que tous les SS devaient renoncer au christianisme.

Peu de gens dans ces mouvements maléfiques développèrent des scrupules à ce sujet. Ils continuèrent à soutenir des mouvements dont l’atrocité n’était déjà plus à prouver. Ce genre de retournement complet du jour au lendemain, George Orwell en fait allusion dans son chef d’œuvre dystopique, 1984 : les trois empires mondiaux – Océanie, Estasia et Eurasie – voient leurs alliances de deux contre un constamment évoluer, tandis que la propagande de chaque empire est telle que les nouvelles alliances sont présentées comme ayant toujours existé.

Bien que le terme « Communazi » était merveilleusement clair pour décrire les régimes de Moscou et de Berlin, il a été banni du langage public après juin 1941, quand Hitler a envahi la Russie et que Roosevelt a décidé que l’oncle Staline était un brave type démocrate. Mais l’existence des communazis ne pouvait être si facilement purgée de l’histoire. De tels hommes ont bien existé à travers l’Europe.

La France, à bien des égards, était un parfait exemple de cette tambouille nocive des hommes opposées à la liberté et aux valeurs américaines. Jacques Doriot faisait partie de la Jeunesse Socialiste en 1916, avant de rejoindre en 1920 le parti communiste français. Il a gravi rapidement les échelons pour devenir un membre du Présidium du comité exécutif de l’Internationale communiste en 1922. En 1923, Doriot était secrétaire de la Fédération française des jeunes communistes. Il a même été emprisonné pour sa volonté de mener une révolution marxiste.

Jacques Doriot n’était pas un simple communiste. Avant-guerre, c’était l’un des plus hauts dirigeants communistes du monde. En 1925, le dictateur Ho Chi Minh était devenu l’un de ses protégés. Dans son livre The Man Who Lost China, Brian Crozier écrit que le Français Jacques Doriot, le Britannique Tom Mann et l’Américain Earl Browder étaient envoyés par le Komintern en Chine, où chacun tenait des discours politiques politiques en 1927. Maire de Saint-Denis, Jacques Doriot était répertorié en 1930 comme l’un des dirigeants du Parti Communiste Français. En 1934, il était le leader des communistes à l’assemblée nationale.

Mais le nom de Jacques Doriot a disparu à la fin des années 30. Pourquoi ? Doriot préconisait l’alliance avec d’autres partis de gauche en 1934. Il fut aussitôt expulsé du Parti Communiste Français. En dépit de son expulsion, Doriot a continué à s’autoproclamer communiste durant les deux années qui ont suivi. En 1936, il était devenu le responsable du parti populaire français. Et a collaboré de toute son énergie avec les nazis. Pourtant, Gunther écrit de lui en 1938 : « Doriot qui veut sa révolution tout de suite dit que Staline est un russe impérialiste. Il a sacrifié les besoins réels de la France et ceux de la Russie, et a trahi les véritables communistes ».

Un exemple encore plus intéressant est celui de Pierre Laval, devenu président du conseil des ministres de la France de Vichy le 18 avril 1942, il y a maintenant 70 ans. Laval était un actif collaborateur de l’Allemagne nazie, et ce en manifestant presque de l’enthousiasme. Si l’on en croit le faux spectre idéologique, avec d’un côté de l’extrême les nazis et de l’autre les soviétiques, la carrière de Laval aurait dû être à la soi-disant extrême droite. Mais ça n’a pas été du tout le cas.

Laval a été catégoriquement à l’extrême gauche la majeure partie de sa vie. Quand il s’est présenté en 1914, il était à l’extrême gauche. Il était communiste lorsque la France entra dans la première guerre mondiale. Dans Inside Europe Today (1938), John Gunther écrit à propos de lui : « Il a commencé sa vie politique comme un socialiste révolutionnaire, et au moins jusqu’en 1922, il était connu comme un homme d’extrême gauche. Lorsque la coalition de gauche s’est effondrée et que Poincaré forma un régime, Laval en était très loin. Beaucoup trop gauchiste. »

Puis, selon la pensée politique officielle de la gauche, Laval aurait commencé à dévier vers la mythique « extrême droite ». Vous y croyez vraiment ? Le marxiste Schuman écrit de Laval en 1939 : « Il est à noter que son nom peut se lire de gauche à droite ou de droite à gauche » — Laval est un palindrome comme Bob ou Anna — comme pour suggérer que Laval n’avait pas eu de véritable idéologie. C’était un traître à la France, mais aussi un traître à tous les principes au-delà de l’entendement. Pierre Laval a été l’un des derniers communazis français.

Le passage à « droite » a commencé peu après l’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne. En 1934, Laval, en tant que ministre français des affaires étrangères, avait les éléments pour arrêter les nazis en Autriche. Il a préféré travailler avec Mussolini. Pierre van Pasasen a écrit en 1939 que Laval a pu se sentir lié personnellement avec Mussolini, dans la mesure où tous deux avaient été communistes avant la première guerre mondiale et que ce lien idéologique permettait de fonder une alliance entre le leader politique français et le leader fasciste italien.

Après cela, Laval a négocié un pacte d’assistance mutuelle avec l’union soviétique pour s’opposer à Hitler. Cela s’inscrit-il dans son image d’extrême droite ? Bien sur que non. La suite est connue : en 1940, Laval est devenu le chef de file de la collaboration française au régime nazi. Cette collaboration a continué bien après qu’Hitler ait lancé l’opération Barbarossa en juin 1941, rompant le pacte germano-soviétique.

Laval, le jeune communiste était maintenant Laval, collabo s’acharnant sur l’union soviétique. Il finit par être exécuté pour avoir collaboré avec les nazis. Laval, le parfait exemple de la stupidité des étiquettes politiques collées par la gauche : le parfait exemple du Communazi.

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Article originellement publié sous le titre « Remembering Pierre Laval, the Communazi » le 17.04.2012 dans New America.
Traduction : Horan Jus pour Contrepoints.