Un fil rouge ou noir

Par Nicolas Esse @nicolasesse


Qu’est-ce que ça peut faire la couleur du fil?

Qu’est-ce que ça peut foutre?

C’est un fil qui s’étire à l’infini. Un fil embrouillé et tendu au-dessus des montagnes. Un fil posé au fond des mers et des océans. C’est un fil obstiné. Un fil fluide qui coule sans se blesser entre les lames du ciseau.

C’est un fil élastique qui ne voudra jamais lâcher et que je voudrais bien tendre jusqu’à son point de rupture avant de l’envoyer en pleine figure, dans la face du temps qui passe. Un fil de fer suspendu à un dos de pont suspendu. Un fil doré qui fait le tour d’un tronc d’arbre planté dans le mois de juillet. Un fil invisible qui s’allume seulement à la lueur des étoiles. Un fil noir qui brille seulement quand il fait nuit.

Un fil de barbe à papa.  C’est exactement ça. Un fil qui ne commence pas. Qui ne finit pas. Qui s’entortille autour des doigts. Alors, je secoue les mains, je gesticule, je brasse de l’air en accéléré. Toute cette agitation, c’est comique. Je fais des mouvements épileptiques, et mes mains  tragiques,  mes mains s’agitent dans le vide.  À la fin, le fil reste collé autour de mes mains.

À la fin, il reste ce fil qui traverse le monde, les montagnes et les océans. Un fil qui contourne les bombes et les éclats d’obus. Un fil rouge et noir qui part d’ici et passe par deux bracelets que ses poignets retiennent.  Un fil qui résiste au soleil de plomb, à l’eau et au sel. Un fil qui vibre comme ça, sans raison, au milieu de la nuit.

Je me réveille.

Le fil tendu résonne comme une corde de contrebasse. Je regarde le ciel. Tout est si calme ici. Pendant ce temps, elle est en guerre. Je regarde la nuit et la nuit me regarde.
J’essaie de ne plus y penser.

J’essaie d’oublier que sa vie ne tient qu’à un fil.