La douce (récit complet)

Publié le 12 mai 2012 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Léon Van bel, machiniste proche de la retraite s’accroche à sa somptueuse locomotive au design avant-gardiste et aux dimensions impressionnantes. Baptisée la 12.004, il la surnomme affectueusement “la douce”. Mais les temps changent. Le gouvernement décide de mettre au rencart tous les transports ferrés pour les remplacer par le Téléphérique…

Scénario et dessin de François Schuiten, Public conseillé : Adulte, adolescent, homme ou femme

Style : Aventure fantastique, quête initiatique Edité chez Casterman Sortie le 28/03/2012

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L’histoire

Léon Van bel, machiniste proche de la retraite s’accroche à la somptueuse locomotive, baptisée la 12.004 (qu’il surnomme affectueusement “la douce”). Cette machine a de quoi surprendre. Son design avant-gardiste, ses dimensions (plus de 20 mêtres de long) et ses capacités exceptionnelles en font le fleuron des transports ferroviaires des années 30. Léon lui a tout donné (sa vie, sa santé) et la machine le lui rend bien, répondant à ses moindres demandes avec courage et ardeur.
Mais les temps changent. Devant la montée des eaux, le gouvernement décide de mettre au rencart tous les transports ferrés d’un autre temps et les remplacer par le Téléphérique (qui incarne la modernité). Sacrifié par l’administration, Léon se révolte et tente de préserver SA locomotive pour lui éviter un démentellement complet. Jugé voleur, il s’en va croupir en prison en récompense de ses 30 ans de service.
A sa sortie, l’idée de retrouver la “Douce” ne le quitte plus. Pour la sauver, il embarque clandestinement sur une cabine de téléphérique vide afin de remonter jusqu’au “cimetière des locomotives”.
Dans ce road movie ferrovière, il sera accompagné d’Elya, une jeune femme sauvage et silencieuse aux buts inconnus…

Le scénario

Pour la première fois sans son compère attitré (Benoit Peters) Francois Schuiten signe seul son nouvel album. Comme à son habitude (voir le cycle des cités obscures) Schuitten nous invite dans un monde à demi fantastique, inspiré de notre passé (1930), mais radicalisé dans ses réalisations architecturales et ses choix sociologiques.

Pour moi, “la Douce” est avant tout une histoire d’homme face au système. Shuiten nous décrit une administration qui décide brutalement de l’arrêt d’une technologie prospère (les voix ferrées) et impose un passage en force et immédiat à l’électricité. Il nous montre les conséquences de cette brutalité sociale : Les hommes privés de travail, donc de statut et de reconnaissance. Léon en est l’archétype. Homme viellissant, refusant le changement, il sera broyé par ce système qui ne lui reconnait plus de valeur.

Au delà de la critique sociale, “La douce” est une histoire d’amour entre un homme et sa machine. Ce conte moderne met en scène un duo exceptionnel. Réunis dans l’effort, dans le travail, cet être à 2 têtes est présenté comme un couple idéal que le temps balaye. Léon, technicien hautement qualifié est un mécano redoutable et extrêmement productif. Mais ses qualités ne sont rien face au changement technologique qu’il ne peut pas assumer.
Après la prison, le comportement de Léon devient obsessionnel. Hors de toute rationnalité, il cherchera sa “Douce”, son double, dont il ne peut vivre séparé.

Vous l’aurez compris, l’essentiel de l’histoire que Shuiten nous livre est un road movie : un voyage, une fuite sans fin et sans but. Cette dramartugie donne à l’aventure une dimension supplémentaire. Léon, superbe “looser” me bouleverse par sa volonté et sa quête désespérée.

Enfin, c’est aussi une histoire de tolérance et d’amitié. Léon Van Bel croise Elya une première fois dans des circonstances de crise. Il la sauve de la sauvagerie des autres cheminôts, mais ce n’est qu’à travers le voyage qu’ils entreprennent que Léon apprendra à l’apprécier.
C’est pour moi, le seul point à creuser. La relation entre Léon et Elya et surtout le personnage de cette jeune fille, dont nous ne saurons que peu de chose à la fin de l’album.

Le dessin

Soyons clair ! Pour moi, Shuiten est un des maîtres de la bande dessinée contemporaine. Tout en assumant un dessin classique, maîtrisé, Schuitten innove constamment en prenant de la distance par rapport au média. Le résultat : un Noir et Blanc flamboyant, que j’admire. Techniquement irréprochable, son dessin est un exemple de la composition. Dynamique, rempli de perspectives inédites et riche de matières expressives, c’est un MUST !

La Douce est du même niveau. Incroyablement fort, son dessin s’admire plus qu’il ne se regarde. Habitué à nous servir des perspectives urbaines folles, Schuiten s’est fait violence pour son nouvel album. Bien sûr, les réseaux ferrés et aériens sont pour lui l’occasion de poser quelques magnifiques perspectives, mais il varie ses planches par de très beaux paysages de nature et des personnages très présents.

Pour résumer

laissez vous embarquer à bord de la Douce, la 12.004 pour un voyage désespéré, une aventure humaine. Au passage, penchez la tête par la portière pour admirer le travail graphique de Schuiten, au sommet de son art.


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Cette critique fait partie de l’opération “la BD du mercredi” de Mango