Christophe Barbier signe une histoire sympathique mais inégale du Français...

Publié le 20 mai 2012 par Fousdetheatre.com @FousdeTheatre

Journaliste Politique, Christophe Barbier est également, nous le savons, un passionné de théâtre. Spectateur assidu des salles parisiennes, publiques comme  privées, membre du comité de lecture de la Comédie Française, il lui arrive parfois aussi de brûler les planches en amateur. Vendredi dernier, c'est en tant qu'auteur qu'il salua depuis le plateau du Théâtre Ephémère, avec une joie communicative, un public enthousiaste venu entendre sa plaisante "histoire de la Comédie Française", mise en scène avec simplicité, humour et bonne humeur par son administratrice Muriel Mayette.

Pour raconter ces bientôt quatre cents ans d'aventure théâtrale, Barbier a redonné vie et parole aux grandes figures du Français, auteurs ou comédiens. Chronologiquement, depuis le XVIIème siècle, il les fait se succéder, jouer, discourir,  afin que personnalités, styles de jeu, réflexions, souvenirs et anecdotes retracent et réveillent les belles heures de l'institution, mais aussi les moins glorieuses. Ainsi par ces petites histoires l'auteur révèle t-il la grande.

Si le texte est intelligent, plein d'esprit, élégant, souvent drôle, et s'appuie sur de sérieuses connaissances historiques, il pêche par une linéarité due au défilement continu de protagonistes, donnant un côté catalogue à l'ensemble, et par une dernière partie un brin longuette, anticipant ce que pourrait devenir le Français au cours du XXIème siècle ; représentations en 3D, remplacement des comédiens par des hologrammes, tournées sur Mars, troupe rachetée par TF1... Nettement en dessous du reste de l'ouvrage.

Il y avait ici matière à attribuer un rôle aux 62 membres de la troupe. Mais pour éviter l'aspect "défilé" évoqué plus haut, Muriel Mayette a fait le choix malin de confier un siècle entier à chacun des cinq acteurs finalement retenus pour ce projet, leur offrant ainsi la possibilité d'incarner de nombreux  personnages. 

Avec fluidité, Bruno Raffaelli prend tour à tour les traits d'un Molière mourant, d'un Louis XIV forcément royal, d'une veuve Poquelin touchante, ou d'un Lagrange désemparé. Loïc Corbery est La Clairon, Beaumarchais, Voltaire et Diderot. Savoureux, réjouissant, flamboyant,  il donne au siècle des Lumières toute sa vivacité et fait une nouvelle fois preuve de subtilité et précision dans ses compositions. Elsa Lepoivre incarne avec puissance et emphase les tragédiennes ou romantiques que sont Mademoiselle Mars, Rachel ou Sarah Bernhardt, aux caractères pour le moins prononcés. Ses prestations s'avèrent remarquables. 

La révélation du spectacle s'appelle Pierre Niney. Incarnant une Comédie Française  du XXème siècle qui s'empoussière et se cherche au sortir de la guerre (le texte est ici délicieusement cruel), passant à côté des Ionesco, des Beckett, tandis que Barrault, Vilar,  Philipe, Chéreau ou Mnouchkine inventent un théâtre nouveau, le jeune acteur se livre à une performance digne d'un Philippe Caubère au meilleur de sa forme. Son naturel, son jeu des plus physiques, ou encore  sa faculté à incarner le mistral d'Avignon, conquièrent le public.

Enfin dans un registre plus "cartoonesque", tenant davantage du one man "onomatopesque" que du théâtre pur, sur une partition moins inspirée, nous l'avons dit précédemment, Elliot Jenicot nous emmène tout de même efficacement au bout d'un XXIème siècle fantasmé. 

Légère, de belle tenue, amusante et instructive, voici une proposition qui, malgré nos réserves, devrait séduire un large public.

Pourquoi pas.

Jusqu'au 25 juin au Théâtre Ephémère.

Photos : Christophe Raynaud de Lage