Hollande président sous cohabitation ?

Publié le 20 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Le premier gouvernement sous Hollande est à peine nommé que déjà se profilent, à l’horizon, des élections législatives dont tout indique qu’elles ne seront pas simples. Déjà, pour la présidentielle, il ne s’en est pas fallu de beaucoup que Hollande ne soit pas élu, et l’actuel président ne doit son poste qu’aux consignes de votes de Marine Le Pen et François Bayrou. On comprend que ces prochaines législatives seront tout sauf une partie gagnée d’avance…

Sans rentrer dans une analyse de chaque circonscription, force est en effet de constater que le Front National et le Front de Gauche représentent à eux deux d’enquiquinantes variables qui pourraient conduire assez souvent à des triangulaires.

Ici, je ne veux pas dire que le Front de Gauche pourrait se retrouver dans la position de rester en lice alors qu’un candidat UMP et un candidat PS aurait atteint le second tour : tout le monde aura compris que le parti de Jean-Luc Mélenchon n’est que la voiture balai du Parti Officiellement Socialiste, ramenant à la voix de la raison les brebis communistes, staliniennes et autres bobos alter-comprenants égarées dans les votes zinutiles comme les Verts et autres formations aussi colorées que rigolotes. Mais même en position de ramasse-miettes, le Front de Gauche pourrait, plus souvent qu’à son tour, gêner un PS un peu faiblichon (le cas de Hénin-Beaumont est d’ailleurs symptomatique), surtout lorsque le Front National, lui, a clairement gagné en parts de marché électoral.

On risque donc de voir se multiplier des seconds tours ambigus, plus trienculaires pour l’électeur que triangulaires pour le système, où le résultat sera tout sauf joué d’avance : en cas de maintien du FN au second tour, l’électeur fera-t-il plus pencher la balance vers les socialistes d’une gauche formica ou les corporatistes petit bras d’une droite passéiste ? On peut même imaginer que les deux « gros » partis, à force de chamailleries, perdent l’un et l’autre devant le Front, ce qui propulserait l’un ou l’autre frontiste à l’Assemblée Nationale.

Eh oui : la prochaine assemblée pourrait bien compter dans ses rangs, outre l’éventuelle brebis modémiste tondue et grelotante, une poignée de Frontistes, quelques-uns rouges et de gauche, quelques autres bleu-marine et de droite, ce qui réduira d’autant la marge de manœuvre de l’éventuelle majorité. On peut déjà entendre les mugissements des pisse-copies qui pleureront sur le retour des Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire avec l’entrée à l’Assemblée de méchants frontistes, et on doit déjà se préparer à pouffer en notant l’autisme calculé de cette presse qui verra bien les méchants Dedrwâte en ignorant les méchants Degôch, parce que, vous comprenez, les staliniens et les vieux débris communistes, dans le fond, sont de grands humanistes, au contraire des Marinistes qui sont, tout le monde le sait, des esprits sataniques imbibés de sadisme.

Notez que je dis bien « éventuelle » au sujet de la majorité parce qu’il n’est donc pas impossible que cette Assemblée se retrouve dans la délicate position de n’en avoir aucune, ou une exclusivement liée à des arrangements de partis qui ne tiendront qu’au bon vouloir d’une actualité qu’on sait déjà mouvementée pour les prochains mois.

Le cas standard, c’est une majorité de gauche, moyennant des petits bisous entre le Front de Gauche et le PS, avec l’appui intermittent de l’un ou l’autre député Modem, par nature indécis. On imagine déjà l’embarras du gouvernement Ayrault II, chargé de composer avec cet attelage composite prêt à exploser à la moindre difficulté économique ou financière (qui ne manquera pas d’arriver).

L’autre cas est celui d’une majorité de droite, avec là encore des petits câlins en coulisse mêlant un UMP un peu plus décomplexé du Front, des Modems oscillant entre l’amour, la répulsion, et le besoin impérieux d’une bonne gamelle bien remplie, et bien sûr un Front National tout fier de pouvoir tordre le bras à ce méchant parti de système dont lui ne fait pas partie, mais si, mais si, puisqu’on vous le dit.

Bref : une cohabitation n’est pas impossible du tout. On imagine à ce sujet la tête de Jean-Marc Ayrault, le nouveau Premier Ministre Jamais Condamné Déjà Réhabilité, qui aura ainsi fait l’un des plus courts séjours à Matignon, pour être remplacé par — au hasard — François Fillon, ce qui mettrait pas mal de LOL et de ROFLMAO dans ce pays qui en manque furieusement depuis les cinq ou dix dernières élections.

Quand bien même cette cohabitation à droite n’est pas en place, une majorité faible ou changeante à l’assemblée provoquerait une gêne considérable pour le magnifique programme de Croissance du père Hollande : avec un Mélenchon monté sur ressorts, le FN au parlement, une Europe en déliquescence, le pauvre président va se retrouver comme beaucoup de ses prédécesseurs à enfiler les réunions et les sommets pour occuper les huissiers et le traiteur, et limiter son action au plus strict minimum pour ménager sa popularité déclinante.

Et à force de déliquescence, justement, il n’est pas impossible non plus — et à vrai dire, il devient même de plus en plus probable — qu’on se retrouve un petit matin avec un autre type de gouvernement, cette fois-ci imposé par une entité extérieure, à la suite d’un défaut majeur de paiement de l’État français, dont les réformes structurelles auront été repoussées une fois de trop.

Certains de mes lecteurs trouveront cette hypothèse hardie. Pour ma part, je la pense plus probable encore qu’une cohabitation dans les prochaines années : le président Hollande sera très vraisemblablement celui de la faillite du pays.

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