Du métier de journaliste littéraire

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

Souvenez-vous de cet article fielleux, paru sur le site Marianne2.fr, qui pointait du doigt les pratiques des émissions littéraires grand public. On y apprenait que les animateurs ne lisaient pas les livres dont ils recevaient les auteurs, délégant cette mission à un fichiste (voire plusieurs, auquel cas le livre se trouvait dépiauté en plusieurs morceau…). Cet article a tourné sur la blogosphère littéraire, semant peu le trouble, et c’est tant mieux: cela prouve que nous savons raison garder (je n’ai jamais dit que j’étais modeste! ).

En revanche, beaucoup d’entre nous (et moi, et moi!!) avaient bavé d’envie devant le délicieux métier de fichiste, consistant à lire un roman et à en faire… une fiche de lecture. Imaginez, blogocopines littéraires, nous serions rémunérées pour exercer notre passion (j’allais ajouter “et notre talent”, ça fait trop, non? ) : quel rêve!

Bref, les animateurs en avaient pris pour leur grade. Mais au fait, que demande-t-on précisément aux présentateurs: savoir mettre en valeur leurs invités, respecter le timing, intéresser le spectateur, bref, se révéler en véritable chef d’orchestre le temps d’une émission? Ou dévorer des livres pour briller auprès des auteurs (on ne citera pas de noms dans cette dernière catégorie) ? Assurément, si c’était la deuxième qualité qui primait, nous serions nombreux, blogueurs littéraires, à être en mesure de passer devant les caméras.

Les plus grand sommeliers goûtent le vin et le recrachent, ils ne finissent pas la bouteille pour déterminer l’attrait du vin (quel gâchis… mais ce n’est pas le sujet). Les critiques culinaires testent-ils tous les plats d’un restaurant, finissant leur assiette jusqu’à la dernière bouchée? Les hommes politiques ont-ils passé 20 ans à réfléchir nuit et jour à leur programme dans les moindres détails avant de se lancer dans l’aventure de l’élection présidentielle, ou se reposent-ils sur une équipe?

En ce qui me concerne, si François Busnel ne lisait qu’en diagonale les livres de ses invités, aidé dans la préparation par un entourage compétent, je continuerais à lui trouver le même talent de présentateur et de journaliste littéraire, chaque jeudi sur France 5. François Busnel a (enfin) pu apporter une réponse à la polémique, dans une interview parue le 7 mai 2012 dans l’excellent BSC news :

Vous faites allusion à l’article fielleux d’un hebdomadaire qui s’est comporté en véritable machine à salir et n’a d’ailleurs pas osé citer mon nom. Le procédé est connu : lorsqu’ « on » n’est pas capable de m’attaquer sur le fond (j’accepte parfaitement que l’on juge mon émission mauvaise ou mal présentée), alors « on » verse dans la calomnie (« les animateurs d’émission littéraire ne lisent pas les livres dont ils parlent »). Ce procédé est la honte du journalisme et relève de la diffamation. Il aurait suffi, pour se comporter honnêtement, de mener une enquête sur ma manière de travailler, d’interroger mes proches collaborateurs ou mieux, de me poser directement la question. Rien de tout cela n’a été fait et si vous regardez LGL, vous pouvez dire « je n’aime pas la façon dont ce type anime son émission » mais personne, en toute bonne foi, ne peut affirmer « ce type ne lis pas les livres dont il parle ». L’article que vous évoquez est plus bête que méchant. « Méfiez-vous des ratés, disait Bernanos, ils ne vous rateront pas » !

François Busnel possède incontestablement les qualités d’un bon animateur. Comme il le précise, on apprécie ou pas ses émissions, mais comment douter de son intérêt profond pour la littérature et les écrivains, quand on le voit interroger les plus grands auteurs américains dans ses “carnets de route”?