[Critique] COSMOPOLIS

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Festival de Cannes 2012 – Sélection Officielle – En Compétition

Titre original : Cosmopolis

Note:
Origines : Canada/France
Réalisateur : David Cronenberg
Distribution : Robert Pattinson, Juliette Binoche, Samantha Morton, Sarah Gadon, Jay Baruchel, Kevin Durand, K’Naan, Emily Hampshire, Paul Giamatti, George Touliatos, Patricia McKenzie, Mathieu Amalric…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 25 mai 2012

Le Pitch :
Eric Packer est jeune, beau et immensément riche. Aujourd’hui, alors que New-York reçoit la visite du Président des États-Unis et que de violentes émeutes menacent la ville, Eric décide d’aller chez le coiffeur. Pour cela, il doit traverser la métropole…

La Critique :
Le désœuvrement peut-il constituer un bon sujet de film ? La réponse est oui.

Un personnage désœuvré peut-il porter un film ? La réponse est oui.

Le protagoniste principal de Cosmopolis est-il désœuvré ? La réponse est oui.

Cosmopolis est-il un bon film ? La réponse est non.

Adapté du bouquin de Don DeLillo, le dernier film de Cronenberg est un sommet d’ennui. On ira même jusqu’à dire qu’on se fait salement chier devant Cosmopolis. Passé un premier tiers qui laisse perplexe, on comprend vite qu’il ne faudra rien attendre d’autre du long-métrage qu’une succession d’échanges verbaux consternants de confusion, tout juste entrecoupés d’un coup de feu ou d’un coup de rein. Juliette Binoche est la première à ouvrir les cuisses pour Robert Pattinson. Elle en fait des caisses mais au moins elle fait quelque chose. Pattinson lui, parle beaucoup. Beaucoup trop surtout si on considère l’incongruité des mots qu’il prononce.

Un magnat de la finance, réputé pour avoir plusieurs coups d’avance sur tout le monde, assiste impuissant à la chute du capitalisme depuis sa limousine. Il se fait palper la prostate en discutant avec une gonzesse qui tripote une bouteille d’eau et le tout est certainement censé décupler la tension sexuelle du film. Visiblement, si on en croit les critiques qui ont aimé Cosmopolis, on retrouve ici toutes les obsessions de Cronenberg et tout ceci est d’une complexité aussi excitante que déroutante.

En même temps c’est clair, Cosmopolis est bien un film du mec qui a fait Videodrome ou La Mouche, pas de doute là-dessus. On reconnaît Cronenberg dans tous les plans. Mais bon, ça ne suffit pas, loin s’en faut. Cosmopolis est creux et parfois con, mais pas dans le bon sens.

A Dangerous Method, son précédent long, conspué par un grand nombre de critiques et de spectateurs était tout aussi bavard mais s’avérait passionnant. À condition de s’intéresser un minimum à l’histoire de la psychanalyse bien entendu. Il y avait du fond dans les échanges entre Carl Jung et Freud. Ici, il a du cul, de la violence souvent sous-entendue et on parle chiffres. Le scénario pose des questions ubuesques du genre « Où vont les limousines la nuit ? », qui sont censées cristalliser l’état d’une économie mondiale en souffrance et la globalité du propos prend forme dans un espèce de road movie urbain et bâtard, lui même très inspiré par le théâtre absurde.

Un constat qui n’enterre pas David Cronenberg. Cronenberg est bien l’un des seuls cinéastes qui peut se payer le luxe de faire un mauvais film sans pour autant réaliser un navet. Car si Cosmopolis peut, dans bien des cas, s’avérer être un bon substitut au plus puissant des somnifères, il transpire d’une volonté noble de fabriquer encore et toujours un cinéma plein de paradoxes et empreint de personnalité. David Cronenberg a, à son actif, un bon paquet de chef-d’œuvres. Celui-là n’en fait pas partie, mais bizarrement on sent que ce n’est pas passé loin. Une succession de choix a fait que ce n’est pas le cas et ces choix ne sont pas condamnables pour une simple et bonne raison : ils ne seront pas rejetés par la totalité du public.

Cosmopolis est une œuvre d’art contemporaine, comparable à des tableaux de maitre comme Pollock, que l’on retrouve d’une certaine façon dans le petit générique de début. Vous trouverez toujours quelqu’un pour dénicher du sens et de la beauté dans n’importe quelle croute sortie de l’atelier enfumé du dernier peintre en vogue, tout comme vous trouverez toujours quelqu’un qui verra dans Cosmopolis un grand moment de cinéma vérité enfin lucide sur l’état du monde, de la jeunesse et de ses espérances et sur l’amour et les relations entre les hommes dans un monde en plein changement.

Pour ma part, j’adore Jackson Pollock et pas Cosmopolis. C’est dire à quel point la situation est complexe.

Et en ce qui concerne Robert Pattinson ? Encore et toujours mono-expressif, l’acteur fait ici preuve d’une jolie dévotion envers un réalisateur qu’il admire visiblement. Il se coule à merveille dans un rôle pas si éloigné que cela du Patrick Bateman d’American Psycho. Si j’avais lu le bouquin de DiLillo, j’aurais pu comparer ce dernier avec le livre de Bret Easton Ellis, mais je ne l’ai pas lu. Jamais eu le temps et maintenant c’est l’envie qui manque. D’après ce que j’ai pu comprendre, il est question d’argent, de sexe, de pouvoir, de politique, de capitalisme et d’une prostate asymétrique…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Prospero Pictures/AFP