Alt-J - An Awesome Wave (2012)

Publié le 26 mai 2012 par Oreilles
Ça a commencé en catimini. Trois singles glissés sur la toile puis quelques concerts remarqués, notamment au Midi Festival, et, avant même l’annonce d’un premier Lp, la musique du quatuor de Leeds ralliait déjà une ribambelle de fans à sa cause. Il faut dire que Alt-J crée la surprise, déjà par le choix de son nom en forme de raccourci clavier (alt+j = ∆, sur mac), mais surtout grâce à une musique quasi indéfinissable. On pourrait penser à Vampire Weekend et Wild Beast pour l’exotisme, Devendra Banhart pour le timbre de voix dans ses notes les plus basses, Radiohead pour le côté introspectif et audacieux, mais chaque influence se télescope au fil des écoutes pour finalement dévoiler un son complètement original : une folk-pop soyeuse, teintée d'électro (folktronica leur conviendrait bien). Basse, guitare, clavier, batterie se combinent avec une légèreté stupéfiante, enchaînant breaks et fill-ins sans jamais sonner foutraque. Par dessus tout, il y a la voix douce et rugueuse de Joe Newman, aux accents proches du hip-hop, qui oscille entre a cappella et leads envoutants sur les passages cotonneux. La guitare, très légère sur l’ensemble, intervient souvent pour des gimmicks savoureux sans excès ni fioritures.
Rien ne paraît superflu sur ces 13 titres dont la clarté du mixage révèle plusieurs pépites stéréo au casque : panoramiques de guitare, nappes de synthé et quelques samples disséminés çà et là. Les quatre anglais au look de geek/hipster semblent avoir longuement mûri leur son jusque dans le choix d’une batterie sans cymbales, à laquelle se greffent plusieurs bongos. Ils ont aussi admirablement réussi à tenir la bride aux effets (réverb et autres écrans de fumée) sans pour autant perdre en intensité, bien au contraire. "Something good" est d’une légèreté enivrante avec ses chœurs radioheadiens et ses rythmes chaloupés. "Bloodflood" captive par sa ligne de basse intrigante, presque solennelle. "Ms" est littéralement à pleurer. Une telle légèreté est surréaliste. Impossible de ne pas succomber à son xylophone sautillant, sa pulsation cardiaque, ses basses rondes et son final en chœurs éthérés et guitares virevoltantes.
Et pourtant, sous des tendances perfectionnistes voire intellos, la musique de Alt-J n’en demeure pas moins instinctive. "Fitzpleasure" déborde d’énergie tribale avec ses basses synthétiques saturées, ses puissantes descentes d’accord et ses breaks math-pop. C’est une véritable séance d’incantation qui invoque le spectre des new-yorkais d'Akron/Family. Même constat avec "Breezeblocks", parfaite musique d’ambiance pour s'adonner à la danse du feu. D'autres titres comme "Dissolve me" et "Taro" sont portés par des mélodies folkloriques mixées à la sauce pop. Ainsi, de sommets presque liturgiques en instants de grâce, se déroule la musique du quatuor sur ces 13 pistes (+ 1 piste cachée) tout en nuances et clairs-obscurs.
En bref : un album remarquable, d’une sagacité ahurissante pour un coup d’envoi. On pense inévitablement aux écossais excentriques de Django Django, quatuor également auteur d'un premier album de 13 pistes en 2012 (étrange, non ?)



Le clip de "Breezeblocks" :

L'album en entier :