[Critique] ELLES de Malgorzata Szumowska

Par Celine_diane

Anne est une journaliste parisienne, un peu bobo, un peu névrosée, genre de Mrs. Dalloway moderne, qui va remettre en question, en une journée montre en main, son couple, sa vie, ses désirs. Du désir, c’est ce dont parle en priorité Elles de la polonaise Malgorzata Szumowska via le prétexte de l’article que doit écrire la journaliste (impeccable Juliette Binoche). L’écoute des discussions qu’elle a eues avec de jeunes prostituées (Anaïs Demoustier et Johana Kulig, très justes) agit alors comme un catalyseur à une étude sociale épatante, en huis clos, (dé)culottée, qui jongle entre voyeurisme choc et érotisme chic. L’idée n’est ni de verser dans le glauque, ni dans le pathos. Bien au contraire. Dans Elles, l’étudiante qui se prostitue assume, ne dramatise pas, a le contrôle. Pas question donc de pleurer sur la condition féminine moderne, Szumowska propose une conception féministe bien à elle : la femme choisit sa soumission. 
Les jeunes filles optent pour la prostitution. L’épouse opte pour le cadre bourgeois, froid et asexué. Motivées par leurs propres raisons (l’argent et le confort, prioritairement), elles ne sont jamais des esclaves. A contrario des hommes, esclaves des sens, dépendants aux pulsions et désirs. Dans Elles, la femme est maîtresse de son corps, même si cela la condamne à une solitude certaine. Pour évoquer des notions complexes (errances, tiraillements intérieurs et intimité), Szumowska adopte une posture filmique libre et libérée, aérienne lorsque le personnage de Binoche s’émancipe des carcans imposés (la mère, l’épouse, la journaliste), tendue lorsqu’elle étouffe au sein d’une bulle prête à exploser. L’enfer, finalement, ne tient à rien : un réfrigérateur, une casserole qui bout, un couple au désir amputé.