Portrait officiel : François Hollande depardonisé pour l’histoire

Publié le 04 juin 2012 par Sylvainrakotoarison

Raymond Depardon a tiré le portrait officiel du nouveau Président de la République. C’est tout nouveau et cela va rester pendant cinq ans.

C’est tiré ! Le portrait officiel du septième Président de la Ve République, François Hollande, est désormais public ce lundi 4 juin 2012. Il arrive avec deux semaines de retard par rapport à son prédécesseur Nicolas Sarkozy.

Le portrait officiel est une photographie importante puisqu’elle va se retrouver dans toutes les mairies de France, et on sait que le pays en compte beaucoup, dans les trente-six mille six cent soixante-quatre communes de France, ainsi que dans toutes les institutions nationales, commissariats, écoles, préfectures, ambassades etc.

La séance de photographie a eu lieu dans la matinée du mardi 29 mai 2012 dans les jardins de l’Élysée et le cliché a été réalisé par Raymond Depardon (bientôt 70 ans) qui a été le premier réalisateur, en France, à avoir filmé un documentaire de campagne électorale, celle de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, à la demande du candidat de l’époque, et le film n’a pu être diffusé, toujours à cause du devenu Président, qu’en février 2002. Il fut ensuite l’inspirateur des excellents documentaires politiques de Serge Moati (notamment dans les campagnes présidentielles depuis plusieurs décennies).


François Hollande est sans doute, dans ce portrait officiel, le Président le moins pompeux et celui qui a le moins posé. Comme Jacques Chirac, photographié en mai 1995 par Bettina Rheims (42 ans à l’époque, une artiste du nu féminin), il a été pris dans les jardins mais avec un arrière-plan plus flou et confus, représentant son palais. Comme pour Jacques Chirac (et ses prédécesseurs), aucun drapeau n’est visible. Bettina Rheims a été un peu déçue par sa photo qui ne lui ressemblait pas beaucoup.


Son prédécesseur direct, Nicolas Sarkozy, avait étonné lorsque son portrait officiel a été rendu public le 22 mai 2007. Réalisé dans l’après-midi du 21 mai 2007 par le photographe dit people Philippe Warrin (44 ans en 2007), très fier de son travail présidentiel, le portrait était très conventionnel, très classique pour un Président qui se plaisait à vouloir transgresser. En effet, le cliché le représentait debout dans la bibliothèque de l’Élysée, et la seule innovation correspondait au fait que deux drapeaux étaient placés à l’arrière-plan, le drapeau tricolore, bien sûr, et le drapeau européen.


À part Nicolas Sarkozy, seul Valéry Giscard d’Estaing s’est fait, lui aussi, photographier devant un drapeau tricolore. Valéry Giscard d’Estaing a été probablement le plus novateur dans son portrait officiel en mai 1974. La première nouveauté qui sera conservée par tous ses prédécesseur, ce fut son habit. Il a définitivement abandonné l’habit de cérémonie avec le cordon rouge de Grand Maître de la Légion d’honneur pour garder un costume de ville simple. Mais une autre innovation qui ne sera reprise que par deux autres de ses prédécesseurs, c’est le fait de faire le portrait à l’extérieur du Palais. Réalisé par Jacques-Henri Lartigue (1894-1986), qui avait presque 80 ans à l’époque, le cliché a été raté, mal cadré sur le perron de l’Élysée, à tel point qu’il a fallu rajouter à la main le rouge du drapeau tricolore et le visage en trop gros plan. Lartigue, qui n’était pas un portraitiste, voulait avant tout saisir un mouvement dans la photo.


Cette mésaventure a replacé François Mitterrand dans le plus grand classicisme des portraits officiels. Voulant toujours imiter le comportement de De Gaulle, François Mitterrand fut donc photographié en mai 1981 par Gisèle Freund (1908-2000), qui avait 72 ans à l’époque, dans la bibliothèque de l’Élysée. Les originalités majeures furent que le Président tenait dans ses mains un livre ouvert, le livre était, je crois, "Les Essais" de Montaigne, et qu’il n’était visible qu’en buste et pas en pieds.


Les deux premiers Présidents de la Ve République, Charles De Gaulle (photographié en janvier 1959 par Jean-Marie Marcel qui l’avait déjà pris en photo en 1945 dans une pose décontractée, avec une cigarette aux lèvres) et Georges Pompidou (photographié par François Pagès, de "Paris Match"), avaient réalisé des portraits officiels très classiques dans la stricte continuité des deux Républiques précédentes depuis 1871, à l’instar de René Coty.

À l’innovation près que les clichés étaient désormais en couleurs et que les Présidents ne portaient plus l’habit présidentiel officiel tout en portant toutefois les décorations officielles, au contraire de leurs successeurs.


Revenons au portrait officiel du nouveau Président François Hollande.

Il étonne par sa relative spontanéité. On a l’impression qu’il est pris en action, en train de marcher. Le cadrage est relativement mauvais, le fond n’est pas bien défini et surtout, aucune symétrie n’est décelée. Bien que de taille assez moyenne, François Hollande ne semble pas savoir quoi faire de ses deux mains qu’il installe parallèlement à ses jambes si bien qu’on pourrait croire qu’il va dégainer dans un duel de western, avec la musique d’Ennio Moricone. Son seul prédécesseur à avoir adopté la même atmosphère champêtre, Jacques Chirac, avait maladroitement résolu ce problème en mettant ses mains derrière le dos, ce qui faisait un peu le genre touriste qui se fait photographier devant un monument historique ou encore épicier posant devant son épicerie.

La grande étendue de verdure derrière lui paraît renforcer l’impression qu’il est désormais seul aux commandes, dans cette solitude voire cet isolement du pouvoir suprême. Peut-être que ce vert persistant est également un clin d’œil à ses remuants alliés gouvernementaux pour leur assurer qu’il entendait prendre en compte l’environnement dans son action et sa réflexion. La position à l’ombre des arbres, meilleure qu’en plein soleil pour le visage, donne également une impression de pique-nique dans les champs.

Au final, François Hollande ne s’est pas senti le besoin, comme Nicolas Sarkozy, de parfaire sa stature présidentielle en se mettant dans une position de Musée Grévin, avec la grande solennité des dorures élyséennes. Mais on pourrait cependant regretter l’absence de drapeaux national et européen, lui qui, pourtant, à tous ses nombreux meetings de campagne, pendant trois mois et demi, n’avait pas lésiné à reproduire sans cesse une tribune présidentielle avec ces étendards.

Ce choix de l’extérieur est clairement une attention portée à Jacques Chirac, qui fut, comme lui, député de Corrèze et président du conseil général de Corrèze. Bizarrement, les rivaux de juin 1981 (François Hollande s’était confronté à Jacques Chirac aux législatives) ont su, au fil de ces trois décennies, nourrir une estime réciproque à tel point que certains proches auraient affirmé que Jacques Chirac aurait voulu voter pour le nouveau Président.

À la vision de ce portrait, comme avec Jacques Chirac, le citoyen français a maintenant envie de dire à François Hollande, nouveau locataire pour un bail de cinq ans : bienvenu à l’Élysée !

Et maintenant, au boulot !

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (4 juin 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Portrait officiel de François Hollande (29 mai 2012).
Portrait officiel de Nicolas Sarkozy (21 mai 2007).
François Hollande.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
François Mitterrand.
Valéry Giscard d’Estaing.
Georges Pompidou.
Charles De Gaulle.
René Coty.

 
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