Les purs chez Balzac (1/2) : Rastignac dans le Père Goriot

Publié le 07 juin 2012 par Sheumas

Dans les grands romans de Balzac, (prenons pour exemples le Père Goriot et Eugénie Grandet,) les êtres purs font la découverte douloureuse du pouvoir de l’argent et de l’esprit de prédation. Les « prédateurs » sont les héros de la modernité réaliste. Après le vague à l’âme romantique et le naufrage des idoles (Napoléon Premier, le peuple souverain, l’Amour, la Chimère...), place à l’Argent, véritable instrument du Pouvoir et clé pour tous les « bonheurs » de ce bas monde. On peut lire tout Balzac, Stendhal, Flaubert ou Maupassant de cette façon. Mais relisons surtout le premier d’entre eux, celui qui a « ouvert le bal à la Vaubyessard » du mouvement réaliste : Balzac.

   Balzac est attaché à ces créatures pures, généralement originaires de cette province où se cultivent encore des valeurs et des principes sacrés, plaisants à bousculer pour un romancier qui s’attache à « l’humble vérité » ! Dans le Père Goriot, lorsqu’Eugène de Rastignac passe de la ville d’Angoulême à Paris, il éprouve une certaine difficulté à renoncer à sa pureté. Il est le héros, sa famille fonde en lui ses espoirs de réussite. Le romancier en fait son « poisson-pilote » pour accompagner le lecteur dans la découverte des « cercles de l’enfer parisien ». Le père Goriot est sublime, mais il n’est plus qu’un Christ dont il faut laisser saigner les plaies. Mlle Victorine Taillefer, quant à elle, est une jeune fille innocente, mais en passe de recevoir une dote importante si « quelqu’un » assassine son frère... L’ancien bagnard Vautrin, inquiétant pensionnaire de la pension Vauquer, explique une première fois le monde à son voisin Rastignac qui ne veut pas l’écouter mais qui subit l’effet de la fascination diabolique que cet ancien bagnard exerce sur les pensionnaires. La comtesse de Beauséant, sa cousine éloignée rompue aux usages du monde, lui donne en d’autres termes la même leçon : « considérez les hommes et les femmes comme des chevaux de poste ». Ce cousin de « Bel-Ami » que devient Rastignac finira par retenir la leçon : « Paris, à nous deux ! » lance-t-il du haut du Père Lachaise à la fin du roman.