L'île chilienne et le Pacifique : autres variations latino-américaines

Publié le 08 juin 2012 par Egea

L'article du Monde sur la nouvelle alliance mise en place en Amérique du sud nous mènent à regarder la façade pacifique de ce continent.

1/ Le Chili est une île. En effet, il est coincé entre deux obstacles très difficilement franchissables : à l'est, la cordillère des Andes et à l'Ouest l'Océan Pacifique, dans sa partie sud la plus désolée et inhospitalière. 4400 km de long sur 180 km de larges, qui se terminent aux deux extrémités par des zones tout aussi hostiles : L'antarctique au sud (le cap Horn est chilien), et le désert d'Atacama au nord, qui a d'ailleurs fait l'objet de la "guerre du Pacifique" (1879-1884) qui oppose le Chili à l'alliance entre le Pérou et la Bolivie. En conquérant les provinces d’Antofagasta, de Tarapacá, Arica et Tacna (restituée plus tard), le Chili prive la Bolivie d'un accès à la mer.

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2/ Signalons que le Chili à la souveraineté sur l’île de Pâques, sur l'archipel de Juan Fernández, et revendique une bonne part de l'Antarctique, le "territoire chilien de l'Antarctique". Il faut dire que le Chili est le pays le plus "proche de l'Antarctique" et qu'il y a presque une continuité territoriale entre la pointe du continent et l'épine partant du 6ème continent. Cette revendication est contestée par d'autres nations (Argentine et Royaume Uni). Signalons l'hostilité plus ou moins contenue du Chili avec plusieurs de ses voisins : la Bolivie, donc, mais aussi l'Argentine. Politiquement, le Chili se vit comme différent, pas vraiment espagnol, à part : une île, vous dis-je. Une sorte d'Angleterre de l'Amérique latine : à part, à l'ouest. Ni vraiment dedans, ni vraiment dehors, toujours attiré par le grand large.

3/ La nouvelle alliance du Pacifique réunit pour l'heure quatre pays : Chili, Colombie, Mexique et Pérou, et trois observateurs : Costa Rica, Panama et Canada. Sans surprise, la Bolivie n'en est pas: pas d'accès à la mer....

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4/ Dans ce dispositif, je vois deux traits géopolitiques dominants.

5/ Le premier est régional : j'avais commenté en son temps la création de la CELAC, qui faisait suite à l'ANSUR : j'y avais vu une unification du continent, en dehors de l'influence états-unienne. Mais d’une certaine façon, sous direction brésilienne, un peu au grand dam du Mexique et de l'Argentine... Cette alliance du Pacifique reprend la logique (échapper à l'influence états-unienne) mais avec un ingrédient de plus : échapper à la direction brésilienne. Mexique et Chili se trouvent des intérêts très communs.

6/ Le deuxième est logiquement mondial : avec cette façade Océanique qui relie potentiellement la Terre de feu au territoire du Yukon (au Canada), il s'agit clairement de bénéficier de la "proximité" géographique avec le nouveau centre mondial, autour de la Chine. Même si le Pacifique est un océan vide, avec peu d'escales, qui sont d'ailleurs toutes contrôlées, par les États-Unis (cf le dispositif pacifique des États-Unis dans ce billet) ou des puissances européennes (Polynésie, ..).

7/ Il y a donc beaucoup d'affichage dans cette alliance. Des intentions, mais les réalisations restent à prouver.

8/ D'une façon plus large, on ne peut être qu'estomaqué par cette fureur associative, cette multiplication des organisations régionales d’Amérique Latine. Cela vient nous rappeler que si les frontières sont stabilisées depuis assez longtemps, elles furent le résultat de guerres nombreuses et que l'ancien empire espagnol c'est de longtemps signalé par son goût pour les déchirements. C'est aujourd'hui plus pacifique (le nom de cet océan est décidément utile), mais la réalité est là : ces nations ne s’entendent pas vraiment. Et ces associations donnent peu de résultats.

IL est probable qu'il en sera de même de celle là.

O. Kempf