[Critique] DES SAUMONS DANS LE DÉSERT

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Salmon Fishing in the Yemen

Note:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Lasse Hallström
Distribution : Emily Blunt, Ewan McGregor, Amr Waked, Kristin Scott Thomas, Tom Mison, Catherine Steadman, Rachael Stirling, Tom Beard, Jill Baker, Conleth Hill…
Genre : Romance/Comédie/Drame
Date de sortie : 6 juin 2012

Le Pitch :
Aimez-vous le saumon ? Le Cheikh l’aime beaucoup. Il l’aime tellement qu’il décide d’investir un joli pactole pour l’introduire dans les rivières de son pays, le Yémen. Un projet saugrenu qui atterri sur le bureau de Fred, un scientifique anglais passionné de pêche et sur celui de Harriet, une jeune chargée d’affaire. Le gouvernement britannique aussi est très intéressé par le projet, y voyant une chance d’améliorer les relations entre l’Orient et le Royaume-Uni, en plein désastre Afghan.
Fred qui se démène avec un mariage qui prend l’eau et Harriet, sans nouvelle de son copain militaire parti au front, s’investissent malgré leurs réticences dans une aventure qui pourrait bien changer le cours de leur vie. Quitte à nager à contre-courant…

La Critique :
Adapté du roman à succès (Partie de pêche au Yémen) de Paul Torday, Des Saumons dans le désert, dans son déroulement et son traitement, rappelle étrangement la fable de Lafontaine, La grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf. Nous avons là un long-métrage plutôt plaisant qui, si on y regarde de plus près, tente d’embrasser plusieurs genres et thématiques. On parle ainsi d’un type fortuné qui veut des saumons dans son désert, d’un anglais malheureux en mariage, d’une jeune fille éplorée mais déterminée, d’une attachée au gouvernement qui tente de rapprocher deux pays en froid et d’un conflit tragique en Afghanistan. De la réussite de cette folle entreprise qui, on nous l’assure, n’est pas juste le caprice d’un milliardaire désœuvré, dépend l’issu de tout un tas d’autres problématiques autrement plus graves. Le chef d’orchestre de ce gentil bordel trop gourmand privilégie bien entendu la bluette, mais semble vouloir donner une crédibilité à son récit, via son contexte géopolitique. Au final, telle la grenouille de la fable, le film d’Hallström explose dans un déferlement de guimauve et de bons sentiments.

Lasse Hallström, un cinéaste pas franchement excitant , mais plutôt sympathique au demeurant (il a tout de même réalisé le formidable Hatchi), affirme avoir voulu atténuer l’aspect politique du roman. Une manœuvre destinée à fédérer le public. Ne pas effrayer les familles avec des histoires complexes axées sur une actualité encore brulante, voilà pour le cahier des charges.

Mais si finalement, cette curieuse intrigue pour le moins originale tirait justement sa substance de sa toile de fond ? C’est ce qui ressort à la vision du film. Des Saumons dans le désert n’est pas foncièrement mauvais et se laisse regarder non sans un certain plaisir. Le récit est bien rythmé, la réalisation pépère mais efficace et les paysages sont magnifiques et dépaysants. Mais rien ne vient atténuer la frustration qu’entraine ces coup de balais réguliers sur les éléments plus graves. En soulignant cette histoire de saumons, Hallström ne lui rend pas service. Grâce à son insistance bornée, le scénario sonne creux et artificiel et se réduit à la sempiternelle question : Fred va t-il finir avec Harriet ? Dommage…

Des Saumons dans le désert reste un long-métrage mineur. Lasse Halström use et abuse de métaphores grossières -comme cette scène qui voit Ewan McGregor marcher à contre-courant d’une marée humaine, tel un saumon en partance pour l’océan-, il consacre de longues minutes aux états d’âme de ses protagonistes et emballe le final en trois coups de cuillère à pot. Si on suit son raisonnement, dans cette histoire, tout se résume à la question suivante : le saumon va-t-il oui ou non remonter la rivière (si oui, ils s’aiment, si non c’est fichu pour la romance) ? Les pêcheurs apprécieront peut-être, même si le dernier Hallström est sans conteste conseillé aux cœurs tendres amateurs de comédies romantiques. En la matière, le film doit beaucoup à l’alchimie qui anime la toujours pétillante Emily Blunt et le charmant Ewan Mc Gregor. Étriqués dans leurs rôles cousus de fil blanc, les deux comédiens inspirent beaucoup de sympathie. En marge du couple vedette, l’internationale Kristin Scott Thomas apporte la touche de cynisme indispensable pour contrebalancer efficacement les bons sentiments.

Des acteurs impeccables, des rôles assez lisses, un humour anglais très timide et des poissons riches en oméga-3 ; Des Saumons dans le désert brasse les styles mais surtout beaucoup d’air. Pas forcement pour le meilleur, mais pas non plus pour le pire. Quelque-part entre les deux, dans cette partie de la production cinématographique où nagent tranquillement les films, sans faire de vague…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Lionsgate