Le nouveau protocole

Par Rob Gordon
Il y a 9 ans, Thomas Vincent réalisait son premier long, l'excellent Karnaval, qui révélait Clovis Cornillac à la carrière jusque-là confidentielle. Depuis, l'acteur a explosé, même si le bilan comptable est plus impressionnant que la réussite artistique. Trente films en moins de dix ans, c'est beaucoup, à tel point que Cornillac, malgré ses qualités indéniables, a fini par engendrer un certain dégoût chez les cinéphages. S'il n'est pas certain que ses retrouvailles avec Vincent stoppent son insupportable boulimie filmique, Le nouveau protocole vient en tout cas rappeler que Cornillac fut d'abord un excellent acteur avant de sombrer dans une caricature de lui-même. Son rôle de Raoul Kraft est à peu de choses près ce qu'il a fait de mieux depuis... Karnaval. À croire que Thomas Vincent est l'un des seuls metteurs en scène à savoir canaliser l'acteur et à en tirer le meilleur.
Aux côtés d'une Marie-Josée Croze aussi irréprochable que lui, Cornillac est l'un des piliers de la franche réussite que constitue ce Nouveau protocole. Malgré le talent certain de Vincent, il y avait de quoi craindre ce petit frère frenchie des nombreux films américains à avoir tenté de démonter les grands systèmes économiques qui régissent et pourrissent le monde. De par son thème (les ravages de l'industrie pharmaceutique), le film fait particulièrement penser à The constant gardener. Mais le scénario d'Eric Besnard exploite des horizons plus réalistes, préférant dénoncer par le biais du polar plutôt que de livrer un simple pamphlet qui aurait difficilement supporté la comparaison. Le thriller est efficace, tout comme le propos, qui évite globalement le manichéisme et l'angélisme. Si plein de questions se posent à Raoul Kraft suite à la mort étrange de son fiston, s'il trouvera effectivement quelques clés, c'est néanmoins le doute qui finira par l'emporter. C'est à coup sûr le plus beau message délivré par un film qui refuse de livrer des réponses qu'il n'a pas.
Ce scénario habile et équilibré est parfaitement mis en valeur par le travail de Thomas Vincent, qui confirme ses dispositions de directeur d'acteurs ainsi que son aptitude à créer une atmosphère à partir de rien. Rythmé, musclé, intelligent, Le nouveau protocole a tout d'un film à l'américaine, sans pour autant perdre sa propre identité et sombrer dans la simple copie de ses modèles US. Il serait dommage de se priver de ce spectacle sombre et dense qui pourrait bien ouvrir la voie à toute une génération de réalisateur français.
8/10