Les funérailles du Petit père des peuples !
C’est à nouveau principalement à travers le regard du ministre de l’Intérieur du régime totalitaire, Lavrenti Beria, que l’auteur distille sa vision romancée de cette tragédie et restitue avec brio l’ambiance politique de l’époque. Si ce tome aborde d’une part la préparation de funérailles qui se doivent grandioses, c’est surtout la guerre des prétendants au pouvoir (Beria, Malenkov, Khrouchtchev) qui s’annonce intéressante. Mêlant habilement fiction, réalité historique, complots, manipulations, ambitions personnelles et cynisme, sur fond de totalitarisme, Fabien Nury brosse un portrait tragicomique de l’époque stalinienne. S’il parvient à installer une ambiance tendue tout au long du récit, ses dialogues percutants font également preuve d’un réalisme qui fait froid dans le dos. Malgré l’absence de Staline tout au long de ce diptyque, l’ombre du tyran plane bel et bien au-dessus du récit et l’enveloppe dans un climat de terreur particulièrement réaliste. L’agitation de ses proches collaborateurs, les complots, les chantages, la corruption, la lâcheté, l’hypocrisie, la peur et la soif de pouvoir qui entourent le décès du despote, reflètent l’atmosphère politique tendue qui a dû régner à cette époque. Malgré l’ambiance historique sombre et le ballet sournois de figures historiques qui se bousculent aux portes du pouvoir, le récit parvient à adopter un ton cynique, parfois même légèrement burlesque, qui se nourrit admirablement du climat totalitaire et délétère insufflé par le régime de l’époque.
Usant de tons sombres et froids, le dessin semi-réaliste et légèrement caricatural de Thierry Robin (“Rouge de Chine”, “Petit père Noël”) se place au diapason de l’atmosphère rude et oppressante de l’U.R.S.S. de Staline et contribue à insuffler une tonalité cynique particulièrement savoureuse.