Un tweet dans un verre d’eau ne fait pas un cyclone

Publié le 14 juin 2012 par Mister Gdec

  

Développons ensemble si vous le voulez bien ce qui apparaît à certains comme le vaudeville de l’année, à d’autres comme une erreur stratégique monumentale (relativisons, Messieurs de l’opposition, relativisons  !), et à beaucoup comme une tempête dans un verre d’eau. Bien d’autres sujets plus sérieux nécessiteraient en effet notre attention, nos efforts et notre action collective énergique. Mais le buzz fabriqué par les médias remplace à présent de plus en plus souvent hélas la profondeur de leurs investigations journalistiques… Trop souvent inexistantes, comme l’exemplarité du travail de Médiapart à propos de l’affaire Woerth/Bettencourt l’a si clairement démontré dans ses prolongements récents. Mais là n’est pas le sujet, et je m’égare…

 Lors de mon précédent billet, j’évoquais en rebond de l’affaire Royal/La Rochelle, à propos de ce tweet à priori malencontreux, que le fait que la compagne du chef de l’état prenne ainsi position pour le rival de Royal pouvait être perçu non pas comme une erreur mais comme une marque d’indépendance et de non-soumission à son cher compagnon, quelle que soit son auguste fonction. Il est en effet peut-être utile de combattre le machisme, qui trouve là à mon sens un point d’orgue éclatant, malgré la personnalité contestable, et d’ailleurs volontiers contestée de Mme Trierweiler. Mais cet argument de la protection du féminisme m’a été retourné par l’un de mes commentateurs comme étant développé sous le coup de la mauvaise foi, aussi vais je m’efforcer ici d ‘en développer d’autres.

 Tout d’abord, il me semble utile de souligner, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, que finalement (moi-même, après mûre réflexion, j’ai changé d’avis) cette histoire de tweet est plus symptomatique et profonde qu’il n’y parait de prime abord. N’illustre-t-elle pas, assez médiocrement d’ailleurs au vu de certaines réactions, le rôle et le statut de la compagne du chef de l’État ? Celui-ci ne gagnerait-il pas à être plus clairement défini par des règles plus protocolaires, comme c’est le cas dans d’autres pays ? Ne devrait-elle pas par exemple signer une sorte de contrat l’engageant à la discrétion ? Mais dans ce cas, ne serait- ce pas aussi le cas de la plupart des coompagnes et compagnons de Ministres, et autres personnages politiques importants ? Pourquoi seulement elle… Ou lui ?

 Mais par delà le statut de la « première dame de France » (première dame en quoi, elle qui n’a pas été élue ? Et parlera-t-on enfin un jour de “premier Monsieur de France” ?), se pose aussi la question de ses contradictions personnelles, d’autant plus visibles et critiquables qu’elle-même est journaliste, et qu’elle a de plus déclaré avant l’élection de Monsieur Hollande qu’elle ferait très attention à ses tweets… Et n’en n’a pas montré l’exemple. Or, beaucoup l’attendaient au tournant.

 Cette polémique illustre en outre également la confusion si courante pour les gens peu initiés aux réseaux sociaux (et qui ont peu réfléchi à leur usage) entre publication sur facebook et twitter ou un blog, et intimité, sphère privée. Or, le statut d’un tweet, par exemple, relève davantage de la publication dans un journal que d’une conversation de café, surtout entre gens très connus, souvent épiés par des centaines de followers. Même moi, à la visibilité si modeste, je me garderais de certaines confidences, sachant trop bien que certains en feraient volontiers leus choux gras. Je l’ai appris à mes dépends… Et probablement Valérie Trierweiler aussi.

 Mais on peut quand même constater sans grande trituration de cervelle que cette histoire de tweet sur médiatisé par des médias autrefois sarkozystes qui n’ont pas forcément viré leur cuti malgré le changement de majorité (les propriétaires des journaux ne sont-ils pas toujours les mêmes?) vient utilement cacher la forêt d’un débat politique autrement plus grave. Un débat qui engage profondément l’orientation humaniste et sociale ou non de notre pays : celui de la porosité des frontières entre l’UMP et le FN. La position officielle du ni-ni de l’UMP illustre d’ailleurs la situation politique française d’une belle touche d’hypocrisie récurrente, empâtée d’un Sarkozysme encore fortement présent malgré la disparition de son auteur… Qui manquait tant de hauteur sur le sujet qu’il n’a pas mesuré dans quel gouffre il emmenait son parti… Qui résiste à présent bien mal aux sirènes bleu marines. De plus en plus de personnalités politiques et non des moindres ne cherchent d’ailleurs même plus à dissimuler leur sympathie pour les thèses lepénistes. C’est pour dire combien notre pays et sa droite autrefois plus sociale sont tombés bien bas. Mais qui donc le relève ? Qui donc combat le racisme et la xénophobie, devient de plus en plus tendance dans certains milieux qui se piquent d’intellectualisme et de liberté de ton, alors qu’il ne font que répandre un refrain bien connu avant la dernière guerre… Refrain dans lequel les arabes volontiers islamistes (et pourquoi pas tous salafistes tant qu’on y est !) ont remplacé les juifs.  Ceux qui combattent ouvertement le FN ne sont-ils d’ailleurs pas plus volontiers voués aux gémonies que ceux qui se fourvoient dans cette erreur du passé, alors que notre action à nous autres gauchistes est si nécessaire, malgré qu’elle ait montré ses limites à Hénin-Beaumont ?

 Démocrates de tous bords, ne nous trompons pas d’ennemi.