Magnifique raseur

Publié le 15 juin 2012 par Popov

La reprise du Barbier de Séville à l'Opéra de Paris dans la mise en scène de Coline Serreau qui a déjà fait tant d'heureux à force de se bonifier se poursuit à Bastille jusqu'aux vacances d'été...

La première du "Barbier de Séville" qui a eu lieu lundi soir fut festive. Qui s'en étonnera ? La répétition n'épuise pas l'inexplicable mystère de cette œuvre et le plaisir qu'elle provoque. Par temps couvert, Rossini vous fait retrouver la "gniaque" comme aucun autre compositeur avec ses violons qui "savonnent", ces félons qui calomnient, ces amours qui triomphent dans des ouvertures guillerettes aux accents mozartiens. L'équipe de chanteurs réunie pour l'occasion, une belle et homogène distribution y prend aussi un plaisir non dissimulé. La gniaque, la gniaque, la gniaque... Comme Antonino Siragusa, Comte Almaviva énergique au timbre raffiné, qui a chanté le rôle des centaines de fois, toujours aussi à l'aise, enjoué, séducteur quand il joue la sérénade à la guitare sèche. A ses côtés le baryton Christos Christyannis (vu récemment en Valentin dans Faust ou encore le chef d'œuvre vériste Paillasse) succède à George Petean. Lui fait chanter implosives et labiales du Figaro épatant de Césare Sterbini dont il faut saluer l'excellente adaptation d'un certain Caron de Beaumarchais, théoricien de l'Opéra à ses heures. La mise en scène ludique de Coline Serreau qui transforme le factotum volubile en Rastapopoulos de sérail et le Comte en Star du ballon rond fonctionne comme une machine à sourire bien huilée, trop peut-être (Zidane c'est un peu dépassé, Coline, aujourd'hui Messi serait plus approprié !).

Les puristes, c'est sûr, tordront le nez en entendant les entrées de Basilio le fourbe, soulignée par le jingle au clavecin de la panthère Rose égréné par le facétieux claveciniste Denis Dubois. Et après ? Le récitatif sera aboli dans l'histoire de l'Opéra ! On ne va pas en faire une maladie ! Karine Deshayes est une Rosina sérieuse (car Rossini n'offre pas que des rôles aisés aux mezzo-soprano) mais bien éloignée de Maria Calas qui joua Rosine comme Carmen. Karine Deshayes y est souple et légère, sa voix est plastique, inattendue comme celle d'un poète moderne. Jeannette Fischer qui métamorphose Berta dans une chorégraphie loufoque, tous, sont à la hauteur des décors et costumes magnifiques dans lesquels ils évoluent, la forteresse orientale à géométrie variable de Stehlé et Fontaine, les costumes chatoyants d'Elsa Pavanel. Dans cet opéra à "tubes" on prend toujours le même plaisir à entendre "L'air de la calomnia" de Basilio, celui de "Figaro, Figar" ou la cavatine de Rosina, "Una voce poco fa" airs tous superbement interprétés sous la direction d'un chef, nouvellement awardisé pour avoir dirigé les plus grands, Marco Amilato. Rien à dire donc de ce Figaro-ci, sinon qu'il à voir, revoir, revoir... On ne s'en lasse pas, on en ressort toujours avec la même "banane" (comme disent les adolescents), avec le sentiment d'être heureux, la tête rempli d'airs joyeux qui vous poursuivent après le spectacle et parfois même plusieurs jours.