Tsar Duklan de Vuyacha

Par Aaapoum Bapoum

Fantastique gâchis
Ma première impulsion fut d'écrire au sujet de cet album un post moqueur, empli de formules définitives mettant les rieurs de mon côté. Puis j'ai trouvé ça vain et facile, inutilement méchant envers ce que j'imagine être un jeune auteur plein d'entrain. En effet, comme beaucoup de livres qui se retrouvent chez nous, Tsar Duklan souffre avant tout d'un manque cruel de travail d'éditeur. La pratique est fort répandue (et pas seulement chez les petits éditeurs comme Akiléos) de publier à la va-vite et précocement des livres inaboutis, des brouillons malformés, leur déniant ainsi toute chance de succès. Quel chance un produit de toute évidence mal goupillé, dont le contenu eût mieux convenu à un fanzine, a-t-il d'être acheté, surtout s'il est vendu 13,50 € en raison d'une fabrication luxueuse alliant cartonnage rigide et papier glacé ? Qui plus est, quel intérêt de publier un tome 1 qui ne pourra assurément jamais avoir de suite tant son insuccès est prévisible au simple feuilletage ?
Chaque année des œuvres en gestation sont ainsi accouchées prématurément et vouées à une mort certaine. Ces publications précipitées, faites sans donner aucun conseil aux auteurs, sans jamais leur demander de refaire ce qui est raté, n'ont que deux conséquences :
1) un gâchis inconsidéré d'énergie et de matière premières.
2) le sacrifice d'une passion, d'une envie de créer, d'un projet qui aurait pu être intéressant. 

Les raisons de tout ça sont sans doute complexes. Il peut s'agir de complaisance relationnelle, de lâcheté, du besoin de combler à court terme un douloureux déficit ou simplement d'incompétence, ou de l'ensemble de ces éléments habilement combinés. De compétence les éditions Akiléos ne manquent pourtant pas quand il s'agit de dénicher et de traduire des perles de la production étrangère (Hector Umbra de Uli Oesterle est une de mes lectures préférées, ce qui ne l'empêche pas, remarquons-le au passage, d'être un bide total auprès du public), en revanche leurs productions du terroir laissent fortement à désirer.

Audace chromatique et mise en scène soulignant le propos, c'est déjà ça.


Avant de conclure, venons-en un peu à l'œuvre dont on parle aujourd'hui. Tsar Duklan est l'histoire d'un souverain qui vient de remporter la bataille finale et peut désormais régner en maître absolu sur son monde. Pourtant les ennemis de l'intérieur ne manquent pas et les complots commencent. Ce que l'on aperçoit du contexte, malgré un manque total de limpidité ne manque pas de richesse et promet des développements intéressants. Les influences de Frank Herbert, de Ledroit et de Druillet se croisent ici pour donner parfois d'intéressantes mises en page et des couleurs audacieuses. L'enthousiasme créatif et les bonnes idées ne manquent pas, comme ces discussions vues de loin, entre chevaliers minuscules montés sur des dragons énormes, ce qui donne d'abord au lecteur l'impression que ce sont les montures qui parlent, procédé renforçant l'idiée d'une communion chevalier / dragon qui rappelle fortement la fusion symbiotique que l'on observe entre le conducteur et le mécha dans la bande dessinée et l'animation japonaise.
Un éditeur de talent aurait en revanche conseillé à son poulain d'apprendre un peu à observer la diversité de l'art et le monde réél avant de peindre... En effet, un exposition trop longue aux créations d'Olivier Ledroit est loin de pouvoir aider un jeune auteur à maîtriser anatomie et physionomies. Il eût aussi fallu élaguer considérablement les dialogues emphatiques et d'une longueur éprouvante.
Tsar Duklan est une tentative, un projet, à prendre comme tel, avec curiosité. Chez nous il coûte 3€.
48p. Akileos, 2005.