Les instruments de l'astronomie

Publié le 16 juin 2012 par Serdj

Les instruments de l'astronomie : une histoire époustouflante

Que de chemin parcouru depuis la lunette de Galilée ! Dans cette page, je vais vous faire découvrir les instruments de l'astronomie moderne, et ceux qui seront construits dans un futur proche ; de la lunette de Galilée à L'EELT, en passant par Hale,le VLA et Hubble... C'est parti !

Passé...

 C'est en 1609 que Galileo Galiliei, dit Galilée, pointe pour la première fois une lunette astronomique vers le ciel. Ce qu'il découvre est stupéfiant : de nombreuses étoiles invisibles à l'oeil nu (qui montrent que l'Univers est bien plus grand qu'on ne l'imaginait à l'époque), les quatre gros satellites de Jupiter (qui montrent que tous les objets de l'univers ne tournent pas autour du même centre), les phases de Vénus (qui prouvent qu'elle tourne bien autour du soleil, comme la Terre), et les montagnes de la Lune (qui montrent que, non, elle n'est pas une sphère parfaite suspendue dans le ciel mais bien un astre à part entière) ! En moins d'un an, Galilée révolutionne notre conception du monde. Et d'autres révolutions suivront, au fur à mesure que les instruments se perfectionneront.
Une lunette astronomique, c'est quoi ? C'est un tube, muni de deux lentilles : une grande lentille coté ciel, une petite (qu'on appelle l'oculaire) coté oeil de l'observateur. Selon la distance entre les deux lentilles, et leur courbure, on obtient un grossissement plus ou moins grand.
Mais les lunettes ont un inconvénient : les lentilles ne courbent pas la lumière de la même façon selon sa couleur (ou longueur d'onde). c'est un défaut que l'on appelle l'aberration chromatique : l'image est floue, il y a un effet d'arc-en-ciel.
Pour éviter ce défaut, il faut un instrument radicalement différent : le télescope. A la différence d'une lunette, le télescope n'utilise pas de lentilles, mais des miroirs.  Plus précisément, un premier  grand miroir circulaire dont la courbure est parabolique,dirigé vers l'astre à observer (le miroir primaire),  et un second miroir plan ou sphérique qui renvoie l'image vers l'oeil de l'observateur (le miroir secondaire). Avantage : plus d'aberration chromatique ! L'image est parfaite (si les miroirs sont parfaitement polis !) C'est à Isaac Newton qu'on doit le premier télescope, en 1671. Son miroir était en acier poli. Dans les télescopes modernes, les miroirs sont en verre recouvert d'une très fine couche d'aluminium.  Il est facile de fabriquer des petites lunettes, mais il est beaucoup plus difficile de fabriquer de grandes lunettes, parce que des lentilles parfaites de plus d'un mètre de diamètre sont très difficile à obtenir. En revanche,  on sait faire des miroirs paraboliques d'une seule pièce, de huit mètres de diamètre !
Quel est l'avantage d'un grand télescope (ou d'une grande lunette) sur un petit ? Ce n'est pas le grossissement : si vous grossissez énormément un objet très lointain, vous ne verrez... rien. C'est que les objets astronomiques ont un éclat très faible : rappelons que l'astronomie s'intéresse majoritairement à des objets qui sont invisibles à l'oeil nu ! Non, l'avantage majeur des grands télescopes, c'est qu'ils collectent plus de lumière, bien plus de lumière que l'oeil, et qu'ils permettent donc de voir des objets bien plus lointains ou plus faibles d'éclat : la sensibilité d'un télescope est directement proportionnelles à la surface de son miroir primaire.
C'est pourtant à l'aide d'une lunette que l'astronome allemand Friedrich Bessel mesure pour la première fois, en 1838, la distance d'une étoile (l'étoile 61 Cygni), en mesurant très précisément la différence l'angle sous lequel elle apparaissait à six mois d'intervalle (c'est à dire une fois que la Terre a fait la moitié d'une révolution autour du soleil) : c'est ce que l'on appelle la mesure de parallaxe.  Bessel se fichait pas mal de l'image de l'étoile : ce qui l'intéressait, c'était sa position exacte. Et pour ça, une lunette est aussi bonne qu'un télescope (Celle de Bessel mesurait seize centimètre de diamètre). En vingt ans, les mesures de parallaxe de nombreuses étoiles vont être réalisées. Stupeur : Les étoiles sont très loin ! 61 Cygni, par exemple, est à dix années-lumière de nous, ce qui veut dire que la lumière de cette étoile met dix ans pour nous parvenir.  Comme la lumière du Soleil met huit minutes pour nous parvenir, et qu'il y a environ 65 000 fois huit minutes dans une année, cela veut dire que 61 Cygni est 650 000 fois plus lointaine que le Soleil ! Et encore, c'est une étoile "proche" : elle fait partie des 10 étoiles les plus proches de nous. Bessel avait eu de la chance, car les mesures de parallaxe des étoiles bien plus lointaines sont quasi-impossibles.
Mais c'est en 1880 que la révolution suivante a lieu : Henry Draper prend la première photographie d'un objet céleste lointain (La nébuleuse d'Orion). La photographie va en effet révolutionner l'astronomie. Pourquoi ? Pour deux raisons : d'abord elle est objective : Avant Draper, les astronomes dessinaient à la main ce qu'ils voyaient avec leur télescope ! Mais surtout, la plaque photographique a un avantage énorme sur l'oeil : elle est cumulative. Plus le temps de pose est long, plus elle enregistre de lumière. Les astronomes vont ainsi pouvoir voir des objets qui, même au télescope, sont trop faibles pour l'oeil humain ! Bien sûr pour cela il faut des pellicules sensibles, et des très long temps de pose. En munissant les télescopes de moteurs électriques qui les maintiennent pointés exactement vers le même objet, malgré la rotation de la Terre sur elle-même, on va pouvoir réaliser des temps de pose de plusieurs heures, et même de plusieurs nuits ! (En fermant le télescope pendant le jour et en recommençant à le photographier sur la même pellicule la nuit suivante)
Ainsi en 1899 James Keeler photographie avec un télescope de 91 centimètres de diamètre des centaines de "nébuleuses spirales", dont on ignorait alors la nature. Plus tard, en 1919, avec le Télescope géant de 2,54m du Mont Wilson aux USA, Edwin Hubble découvrira  que les nébuleuses spirales sont des galaxies formées de milliards d'étoiles. Il découvrira également, avec ce même télescope, le phénomène d'expansion de l'Univers. Mais pour expliquer cela, il va falloir parler d'une autre révolution : la spectroscopie.
Tout le monde sait qu'un prisme décompose la lumière du soleil en un bel arc-en-ciel, ce que les physiciens appelent un "spectre" Mais en 1814, Fraunhofer observe d'étranges raies sombres dans le spectre du soleil :

Ce sont les théoriciens de l'atome qui comprennent finalement de quoi il s'agit, en 1885 : ces raies sont caractéristiques des atomes qui émettent (ou absorbent) les photons de lumière.  Peu à peu, on identifie toutes les raies et on comprend que le Soleil est formé principalement d'hydrogène. Mais il existe certaines raies que l'on ne connais pas : on les attribue alors à un élément inconnu sur Terre, que l'on baptise du nom d'Hélium (du Grec Helios, Soleil). L'Hélium sera finalement trouvé sur Terre (où il est très rare) en 1895. Dés lors, on peut connaître la composition des étoiles ! Les astronomes se mettent fébrilement à "capturer" le spectre de tous les objets célestes et peu à peu, la composition de l'Univers devient connue : Il est composé à presque 80% d'hydrogène, 20% d'Hélium, les autres éléments étant  beaucoup moins répandus. Connaissant alors la composition chimique des étoiles, on arrive peu a peu à comprendre leur fonctionnement, ce qui les fait briller : un ensemble de réactions nucléaires qui transforment l'Hydrogène en Hélium, et, dans les plus grosses étoiles, en Bore, Carbone, Oxygène.
Mais les éléments plus lourds que le Fer ne peuvent pas être créés lors du fonctionnement normal des étoiles : les seules réactions nucléaires qui pourraient produire ces éléments absorbent de l'énergie au lieu d'en produire. Sachant que l'univers primitif ne contenait que de l'Hydrogène et de l'hélium, et rien d'autre, d'ou viennent alors ces éléments lourds ? La solution viendra de l'étude théorique des étoiles : les astrophysiciens démontrent que, lorsque elles épuisent leur Hydrogène, les petites étoiles (comme le Soleil) s'éteignent lentement ; mais les plus grosses étoiles, à cause de leur masse monstrueuse dont la pression n'est plus compensée par les radiations émises par leur coeur vieillissant, se contractent soudain : en leur centre, la température monte soudainement (en moins d'une semaine) à plusieurs milliards de degrés, enclenchant les réactions qui produisent du Fer... et qui absorbent l'énergie ! L'étoile s'effondre alors brutalement sur elle même en quelques minutes, et toutes les masses de gaz de l'enveloppe rebondissent sur le coeur de Fer et s'évaporent dans l'espace en une gigantesque explosion ou supernova.  C'est au cours de cette explosion que les éléments lourds, comme l'Or et L'Uranium, sont produits. Ainsi l'Or qui existe sur la Terre existe parce que, avant la naissance du Soleil, une étoile proche a explosé et "ensemencé" en éléments lourds les nuages interstellaires environnants qui, plus tard, allaient donner naissance au Soleil et aux planètes. Nous sommes faits de poussières d'étoiles...
Mais comment sait-on tout cela ? Grâce à une autre révolution astronomique : celle de la radio-astronomie.
Car les étoiles émettent des ondes radio.  En 1938, Karl Jansky détecte par hasard une étrange radiation dans le domaine des ondes millimétriques : il comprend qu'elle est émise par le centre de la voie lactée. Dès lors l'ère des Radiotélescope est née. Mais Pour pouvoir observer  le ciel en ondes radio, et dresser de véritables cartes de son rayonnement, il faut de très grands instruments : en effet le pouvoir de résolution angulaire d'un radio télescope, comme celui d'un télescope optique, dépend de sa taille : plus l'instrument est grand, plus il pourra voir des détails fins. Mais hélas ce pouvoir de résolution est inversement proportionnel à la longueur d'onde dans laquelle on veut observer : plus celle-ci est grande, moins on voit de détails.  Et comme les longueurs d'onde radio sont des milliers de fois plus longues que celles de la lumière, les radiotélescopes sont, des milliers de fois plus myopes que les télescopes visibles... à moins d'être des milliers de fois plus grands ! Celui de Jodrell Bank (ci dessus), Par exemple, qui date de 1955, fait 76 mètres de diamètre !
Les radiotélescopes ont permis de détecter des astres étranges, les pulsar, donc le rayonnement radio est littéralement pulsé plusieurs fois par seconde. Ils sont restés une énigme, jusqu'à ce que l'on comprenne qu'il s'agit en fait du coeur d'une étoile ayant explosé en supernova, un coeur tellement dense qu'il est constitué uniquement de neutrons, comprimés les uns contre les autres. Ce coeur engendre un énorme champ magnétique, qui crée à son tour des ondes radio, et comme il tourne très rapidement sur lui-même, on "entend" littéralement l'étoile à neutron tourner sur elle-même. Certaines tournent à plus de cent tours par seconde !
Mais revenons à l'astronomie visible. Son histoire est faite de télescopes de plus en plus grands, avec des miroirs primaires de plus en plus grands  diamètres : 1,20m pour le télescope Herschel (1789), avec lequel il découvrit la planète Uranus ; 2,54m pour le Mont WIlson (1920) ; 5m pour télescope Hale du mont  Palomar (1959), 6m pour le Zelentchouk (URSS, 1974, un échec dû à un mauvais polissage du miroir, qui pèse 42 tonnes !), 8,20 m Pour les quatre télescopes européens du VLT installés au Chili (1998 à 2000), 10m pour les deux télescopes américain Keck (1993 et 1996) installés à Hawaï.
Pourquoi des instruments si grands ? Pour voir plus de détails, et pour capter plus de lumière. Les très grands télescopes se consacrent en effet essentiellement à l'étude des galaxies lointaines, très faibles. C'est  ainsi avec le télescope du Mont Wilson, puis avec celui du Palomar, que Hubble observe un phénomène étrange : plus une galaxie est lointaine, plus son spectre est décalé vers le rouge ! Il interprète, en 1929, ce phénomène en montrant que, plus une galaxie est lointaine, plus elle s'éloigne rapidement de nous, ce qui décale sa lumière vers le rouge par effet doppler, comme la sirène d'une ambulance parait plus grave quand l'ambulance s'éloigne de nous : C'est ce que les astronomes appellent le "red shift". C'est la découverte de l'expansion de l'Univers.
Enfin, on ne peut pas terminer ce tour d'horizon des instruments astronomiques du passé sans dire un mot de la dernière révolution technique qui a permis de littéralement décupler la porté des télescopes : l'invention des capteurs CCD, les mêmes (en plus sensibles !) que ceux qui équipent les appareils photo numériques. Car les télescopes sont, eux aussi, passés au numérique : fini la pellicule ! Alors que cette dernière n'enregistre que 1 à 5% des photons qui lui parviennent, un capteur CCD en enregistre 50 à 80% ! Les capteurs qui équipent les grands télescopes actuels, hypersensibles, sont de minuscules pavés de silicium capables d'une résolution allant jusqu'à un milliard de pixels...

...présent...

Quels sont les instruments que les astronomes utilisent aujourd'hui ? Eh bien on peut les classer en cinq catégories :
  • les télescopes dédiés à l'étude du Soleil
  • les télescopes spatiaux
  • les télescopes terrestres optiques
  • Les radiotélescopes
  • Les interféromètres
L'étude du Soleil demande des instruments très spéciaux : il s'agit de voir des détails très précis et très légèrement plus sombres sur un objet... très brillant, tout cela sans brûler le matériel situé au point focal ! Les télescopes solaires sont très longs  : celui de Kitt Peak (ci-contre) à une longueur focale de 82 mètres ! (la plus grande partie du télescope se trouve sous terre). Pour étudier la couronne solaire, on est obligé de masquer la partie centrale de l'image avec un cache spécialement conçu: c'est ce que l'on appelle un coronographe.
Mais les télescopes terrestres sont tous handicapés par l'atmosphère terrestre, qui présente deux inconvénients : elle est opaque à certains rayonnements (comme les rayons ultra-violets et gamma) et, même en air calme, elle est légèrement turbulente, ce qui déforme les images et les rend floues. Pour s'affranchir de ces défauts, le mieux est d'installer les télescopes en orbite.
Tout le monde connaît le fameux télescope spatial Hubble, de 2,4 m de diamètre, lancé en 1990 par la navette spatiale et plusieurs fois réparé, mis à jour et amélioré depuis par d'autres missions de la navette. Lors de son lancement, c'était le télescope le plus précis et le plus sensible du monde.  Il a permis de découvrir les premières planètes autour d'autres étoiles que le soleil, de préciser les dimensions et l'âge de l'univers, de cerner les contours de la "matière sombre", de découvrir des milliers d'objets inconnus jusqu'alors (principalement des galaxies), de surveiller l'atmosphère de Jupiter...
Mais Hubble n'est pas le seul télescope spatial existant : Il en existe en fait 88! (voir cette page sur wikipedia) : 12 pour l'étude du ciel en rayons gamma, 36 pour les rayons X, 15 pour les ultra-violets, 11 en lumière visible (dont Hubble), 12 en infrarouge, 4 en ondes radio.
 Parmi ces derniers, mention spéciale pour COBE (USA, 1989), WMAP (USA, 2001) et surtout Planck (Europe, 2009), trois satellites astronomiques dont le rôle est de cartographier le "rayonnement de fond cosmique à 3°K", celui qui été émis peu après le big bang lorsque le ciel est devenu transparent (auparavant la température de l'univers était telle que les photons ne pouvaient pas circuler librement). Ce rayonnement est incroyablement homogène : les différences de couleurs de l'image ci-contre représentent des variations d'intensité de quelque centièmes de pourcent seulement ! C'est pourtant de ces "grumeaux" ténus de l'univers primitif que sont nés les étoiles, galaxies et amas de galaxies que nous connaissons actuellement. Comment est-ce possible ? Le mystère reste entier.
Et pourtant, les télescopes terrestres ne sont pas restés à la traîne : Même si, peu après son lancement, Hubble était le télescope le plus précis du monde, il ne l'est plus aujourd'hui ! Les ingénieurs on en effet trouvé le moyen de réduire très fortement le "flou" dû à la turbulence de l'atmosphère : à l'aide d'un laser pointé vers le ciel, on mesure plusieurs dizaines de fois par seconde la déformation due à cette turbulence, et on la corrige en déformant les miroirs (sans les briser! )à l'aide de vérins ultra rapides et ultra précis ! C'est ce que l'on appelle l'optique adaptive. Une technique née dans les années 1990 et qui nécessite des calculs très complexes faits par de puissants ordinateurs, et des miroirs spéciaux, déformables. Grâce à l'optique adaptive, les grands télescopes terrestres sont aujourd'hui plus précis que Hubble ! Ils s'y sont tous mis : les plus grands observatoires sont aujourd'hui équipés d'optiques adaptives.
Parmi eux, il faut citer les deux plus grands observatoires du monde :

Le VLT (very large telescope), installé par l'Europe au Chili dans le désert  d'Atacama à 2635 mètres d'altitude, est un ensemble de 4 grands telescopes de 8,20 m de diamètre, et de 4 télescopes "auxiliaires" de 1,8 mètres, montés sur rails et déplaçables.
Les observatoires du Mauna Kea (à Hawaï), sont un ensemble unique de téléscopes construits par différentes nations, perchés à 4200 m d'altitude !
Keck 1 et 2 sont deux télescopes américains de dix mètres de diamètre. Comme il est impossible de fabriquer un miroir parabolique aussi grand d'une pièce, leurs miroirs sont composés de 36 "segments" hexagonaux reconstituant une image unique. Gemini North est un télescope international (Etats unis, UK, Canada, Chili, Australie, Argentine, Brésil) de 8,1 m de diamètre.  Subaru est un télescope japonais de 8,2 m de diamètre. Le CFHT est un télescope Franco-canadien de 3,58m.  UKIRT est un télescope infrarouge anglais de 3,8m. IRTF est un autre télescope infrarouge (américain) de 3m. L'ensemble, qui est complété par une série de radiotélescopes, constitue, avec le VLT, l'un des deux meilleurs observatoires du monde.  Et pour cause : le ciel du Mauna Kea, comme celui du désert d'Acatama, est l'un des plus purs du monde. Jamais de nuages !
Faire plus grand semble impossible... et pourtant.... Une technique nouvelle promet de multiplier par cent la résolution des télescopes : c'est l'interférométrie.
Qu'est-ce ? C'est une technologie désormais assez courante dans le domaine des ondes radio : en couplant ensemble plusieurs radiotélescopes, on arrive à mélanger leurs signaux comme s'ils provenaient d'une antenne unique mais bien plus grande. Le VLA (very large array) est constitué de 27 antennes de 25 mètres de diamètre, situées au nouveau Mexique. C'est le plus grand observatoire radioastronomique du monde. L'ensemble constitue l'équivalent d'une antenne unique de 36 Km de diamètre, avec la sensibilité d'une antenne de 130m ! Les images radio du VLA sont d'aussi bonnes qualité que celles des grands télescopes optiques.
Pourquoi alors ne pas essayer de faire de même dans le domaine optique ? C'est l'idée folle d'un français, Antoine Labeyrie, qui conçut et réalisa le premier interféromètre optique dans les années 1980.  C'est que l'entreprise est ardue : les éléments optiques, distants de plusieurs mètres, doivent être positionnés avec une précision de l'ordre de la longueur d'onde de la lumière, soit un millième de millimètre ! C'est donc beaucoup plus difficile à faire qu'avec des ondes radio. Pourtant, le petit français réussit. Et dans le monde entier, les astronomes se mirent à rêver : Et si, on pouvait "coupler" entre eux les grands télescopes de Mauna Kea ou du VLT pour en faire des interféromètres, dont la résolution serait centuplée ?
Ce rêve est en passe de devenir réalité. Déjà les deux télescopes Keck sont couplés. De même pour les quatre "petits" télescopes du VLT, que les astronomes sont en train de relier à l'un des grands 8m, pour réaliser à terme le VLTI (very large telescope with interferometer), qui "contiendra" les 4 grands et les 4 petits.

... et avenir

Encore mieux : le projet Ohana vise à connecter entre eux optiquement tous les télescopes du Mauna Kea à Hawaï. On obtiendrait une surface équivalente de 290 m2 de miroir, et surtout un "miroir virtuel" de 800 m ! On pourrait voir le pied d'Amstrong sur la Lune !
L'objectif de toute cela ? Il est double : d'une part, obtenir enfin des images de la surface des étoiles autres que le soleil, pour savoir comment elles fonctionnement exactement, quel est leur âge et leur dynamique. Ensuite, arriver à photographier des planètes extrasolaires. En effet, même si l'on en a détecté plus de 700 aujourd'hui, on ne sait pas à quoi elles ressemblent : arriver à les photographier relève d'une mission quasi impossible : il faudrait des interféromètres de plus de 100 Km !  Mais ce n'est pas impossible. Seulement, les crédits dont disposent les astronomes sont limités, et le temps d'observation des grands observatoires  est déjà réservé pour les dix prochaines années ! Et il y a très peu de place pour l'interférométrie la-dedans. Pour "récupérer" ce précieux temps d'observation, une seule solution : construire de nouveaux instruments, très spécialisés, les donner en pâture aux astronomes classiques, et récupérer ainsi du temps d'observation pour l'interférométrie au VLT et à Hawaï.
Deux projets sortent de l'ordinaire : Le JWST et l'E-ELT.
 
Le James Webb space télescope sera un nouveau télescope spatial, successeur de Hubble, mais bien plus performant : son miroir primaire atteindra 6,5 mètres de diamètre, contre 2,4m pour Hubble ! Comme un tel miroir ne tiendrait pas dans la coiffe d'Ariane V (qui doit le lancer en 2018), ce miroir est, comme celui du Keck, composé de plusieurs éléments hexagonaux (18),  et il voyagera "replié" dans la soute de la fusée pour être déployé dans l'espace. Afin d'éviter toute interférence et de pouvoir observer tout le ciel 24h sur 24, le JWST sera installé en orbite solaire, au "point de Lagrange L2", à 2,5 millions de kilomètres de la Terre. Cela interdit toute maintenance en cours de vie.
Il s'agit d'un télescope infrarouge, dont la mission principale est de "remonter jusqu'au big bang", ou tout du moins jusqu'à l'âge de la formation des premières étoiles.  Une autre mission sera l'étude des exoplanètes.
L'E-ELT, ou European Extremely large télescope, est un concept tout aussi extraordinaire (bien que trois fois moins cher que le JWST) : il s'agit de créer un télescope de... trente-neuf mètres de diamètre ! Ce sera, et de loin, le plus grand télescope du monde (cliquer sur l'image ci-contre pour le voir en grand). Son miroir sera composé de 800 éléments hexagonaux de 1,45m de large, et bien sûr équipé d'une optique adaptive. Objectif : photographier directement des exoplanètes, rechercher les toutes premières galaxies, à plus de 13 milliards d'années lumière, déterminer les contours de la "matière sombre". Mise en service prévue en 2022, au Chili, à 20km du VLT (avec lequel il pourrait être couplé ? Ce n'est pas prévu actuellement)
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