A court d'arguments

Par Doespirito @Doespirito

Avant même d'aller voir "Bienvenue chez les ch'tis" (au succès bien mérité), j'avais été frappé par son affiche. Elle ne m'avait pas emballé c'est le moins qu'on puisse dire. On ne se refait pas : j'ai toujours tendance à chercher du concept quand il n'en faut pas, et des idées compliquées là où un message simple attire le chaland. Prenons donc cette affiche qui vous dit tout bêtement « Dans ce film, des personnages rient ». La casquette de travers de Dany Boon suggère un état différent de la normale. Et les rires à gorges déployées des deux compères semblent s'ajouter à l'infini, et s'alimenter mutuellement pour ne jamais s'éteindre. La promesse du film est tenue, car j'ai bien ri : souvent les gags s'enchaînent  jusqu'au fou rire, avec du premier et du deuxième degré.










Cette affiche
ne fait que reprendre l'argument du film, sans faire de fioriture : une comédie joyeuse avec deux héros complices. D'autant qu'on m'a fait remarquer la similitude de  cette affiche avec un autre succès phénoménal du cinéma français, "Le corniaud" avec deux autres compères, Bourvil et De Funès. Stupéfiant, non ? Même message : « Vous voulez rire ? Venez voir ce film, les acteurs rient et vont vous faire rire ». Même promesse, même argument, même succès. A ce stade, je me suis dit que je devais revoir les affiches de films avec un œil neuf, en me demandant quels étaient les promesses, les arguments, les messages suggérés par les images et les titres.

Il faut dire qu'entre temps, j'avais été un peu agacé par la campagne de communication autour d'un autre film “Il y a longtemps que je t'aime”, de Philippe Claudel. Le 9 mars 2008, j'achète le JDD et le supplément Fémina : facilement 15 pages tartinées sur le sujet. Interviews et portraits des actrices, interview de Philippe Claudel, présentation du film, reportage dans "Le Nancy de Philippe Claudel", sujet sur les relations frères-sœurs illustré par le film, patins, couffins. S'il n'y avait pas l'horoscope d'Elsa Zylberstein, choisir son épilation maillot par Kristin Scott Thomas et éradiquer les poux de ma fille par Philippe Claudel, c'est sûrement par manque de place...

Une semaine après, je rachète le JDD (c'est ma faute, aussi), rebelote, avec une interview d'Elsa Zylberstein sur le film. Dimanche après-midi, je vais donc au ciné voir le fameux "Bienvenue chez les ch'tis" (excellent, vraiment). Et là, avec les bandes annonces, on a droit aux réactions des spectateurs invités aux avant-premières du film de Claudel, sortant de la salle les yeux larmoyants, bafouillant dans le genre « Je suis trop ému pour parler tellement c'est beau mais je vais quand même dire un mot (sinon je serais plus invité aux avant-premières)... ». Avec zooms bizarres et caméra qui bouge pour faire vraie vie avec des vrais gens filmés par un vrai amateur... Je ne sais pas si le film est bon, mais ces pleurnicheries de spectateurs mises en scène étaient assez insupportables, voire indécentes.

Le film sortait la semaine suivante, donc tout ça, c'était un buzz organisé. En réalité, la promo du film était confiée à Fémina : c'est écrit en tout petit sur l'affiche du film. Du coup, j'ai regardé d'encore plus près cette affiche. Argument, message, promesse ? On se doute qu'on ne va pas se marrer. Le genre est donc dramatique, parfait. On va voir ce film pour écraser une larme. Promesse tenue, confirment les spectateurs filmés à la sortie du film, la larme à l'œil. Mais quand on lit "Bienvenue chez les ch'tis", on se doute un peu du contenu. Là avec "il y a longtemps que je t'aime", je ne vois pas bien le rapport entre le visage en gros plan de Kristin Scott Thomas, et le contenu du film (grosso modo, l'héroïne sort de prison, sa famille l'ayant rejetée pendant tout ce temps, et va s'installer chez sa sœur). Il faudrait changer le titre ou la photo, car ensemble, ça cloche, non ? Ou alors l'affiche ne sert à rien, le buzz devant suffire à emporter l'adhésion. Dans mon cas, c'est raté.