Art et (contre-)révolution : Le Chœur du peuple d’Abdel-Hadi al-Gazzar censuré

Publié le 19 juin 2012 par Gonzo

Avant de revenir dans un prochain billet sur les violences déclenchées (?) par une exposition d’artistes contemporains à Tunis, l’actualité culturelle et politique impose de faire un détour par Le Caire, preuve s’il en était besoin que ces questions (voir ce billet de février dernier) n’ont pas fini de faire l’actualité… (À signaler d’ailleurs, lun nouveau numéro de la revue MERIP, intitulé The Art and Culture of the Arab Revolts).

À en croire cet article (en arabe) dans Al-Akhbar, c’est Mohammed Abu el-Ghar, un des dirigeants du Parti égyptien démocratique social qui a le premier dénoncé ce scandale : mardi dernier, un article publié dans la rubrique « le monde de la culture » (Dunya al-thaqâfa) du « quotidien de référence »  Al-Ahram a osé reproduire en la défigurant une œuvre du très célèbre peintre égyptien Abdel-Hadi al-Gazzar. Au milieu du tableau intitulé Le Chœur du peuple (ou encore Le Théâtre de la vie selon d’autres sources), la poitrine dénudée d’un des personnages a été recouverte par une main anonyme d’un très inesthétique et pudibond rectangle noir.

On pourrait sourire de cet acharnement à cacher « ce sein que l’on ne saurait voir » (et davantage) en milliards d’exemplaires sur internet… Mais pour aggraver les choses, l’illustration venait – assez ironiquement – illustrer un article sur la manière dont l’art et les artistes défient l’injustice (original de l’article en arabe) En effet, cette œuvre du « peintre de la révolution » (de 1952) comme l’expliquait Alain Roussillon dans cet article est particulièrement célèbre dans l’histoire de l’art moderne arabe car elle a suscité, en 1948 (ou 1949 selon d’autres sources), le premier emprisonnement d’un artiste (et de son galériste).

Dans l’Egypte du roi Farouk, ce n’était pas pour « obscénité » qu’on condamnait un artiste, mais à cause de ses idées révolutionnaires et de sa dénonciation de la misère dans laquelle vivait le peuple. Aujourd’hui, c’est l’exposition du nu (voir ce billet) qui suscite les foudres des censeurs, fort prompts à y voir une « atteinte au sacré ».

Sans commentaire (mais les vôtres sont les bienvenus !)