Le regard de l'étoile

Publié le 21 juin 2012 par Bababe

BA KHASSOUM ALY  (photo Sylvie et Pascal CESSON SANS FRONTI7RES)

 Symboles...

Ba khassoum Aly dit Demba Hawoyel fut le premier, sinon parmi les premiers instituteurs  qui choisirent  d'enseigner dans leur village natal, et furent parmi les premiers qui apprirent à lire,  à écrire et à compter aux gamins que leurs parents avaient accepté  d'inscrire à l'école française.

Qu'un des leurs vienne exercer son métier parmi eux, procura certainement une fierté aux villageois. Même si le statut de cet homme de la craie, du tableau noir, de l'encre violette et du buvard, contrastait avec celui des bergers, des cultivateurs aux pioches et à la houe, qu'ils  étaient pour l'essentiel.

  Ce fonctionnaire réussit à se faire affecter dans son village et les environs, et y resta des décennies  entières,  jusqu'à sa retraite. Ce qui  ne pouvait que sceller un attachement profond du maître d'école  à ce qu'il  possédait en commun  avec les villageois : leur sol natal.

Même si ces villageois avaient remarqué que celui qu'ils nommaient Demba Hawoyel, devenait de plus en plus dans la bouche de leurs enfants d'abord : "Moussé Ba", et plus tard, dans celles de bien d’autres : Ba Khassoum AliMamadou Djéba  qui fut un ténor de Dioudé Djeeri, avait déjà immortalisé ce prénom dans son gumbala, quand il tonnait : Demba Hawoyel Sala Binta…

 C'était au temps où le maître d'école représentait plus qu'un simple enseignant, c'était le notable du village.

 Étrange coïncidence…

Dans certaines croyances, il est d'usage d'éviter d'énumérer les défunts, cependant il est difficile ici de nommer Ba Kassoum Ali sans nommer Ba Abdoulaye Choïbou, tous deux, instituteurs.

 En  écrivant il y a quelques jours ce petit mot sur Ba Khassoum Aly,  le nom de Ba Abdoulaye Choïbou revenait en permanence, tellement les deux noms avaient  été si souvent associés. En effet, pour ceux qui les connaissaient, Il était rare de parler de l'un sans penser à l'autre.

Si la vie associa leurs deux noms, la mort ne les dissocia pas non plus. Car une  semaine après la disparition de Ba Khassoum Aly, ce fut celle de Ba Abdoulaye Choïbou. 

Ba Abdoulaye Choïbou, l'homme à la carrure imposante dont la personnalité s'affichait sur son visage garni d'une moustache qui remettait dans les rangs  les gamins, a rejoint son jumeau de nom, de métier, d'origine et d'époquedans ce même mois de juin.

Mois de juin, mois qui  annonçait le repos des maîtres d’école.

Mois de juin,  mois qui annonçait les premières pluies de l’hivernage et l’odeur de la terre mouillée  alertant les cultivateurs.

Mois de juin, c’est aussi le mois où le berger revient  avec ses troupeaux des lointains pâturages.

Ce mois de juin, sur la terre où dorment pour toujours les deux instituteurs, « l’étoile du soir dont le front sort brillant des voiles du couchant,(…) celle qui regarde le pâtre qui chemine",  a dû remarquer l’absence d’un berger. Un vrai. Un qui fait partie des bergers dont la vie se confond avec celles de leurs vaches. Un berger qui a définitivement posé son bâton : Yellé Dem.

S.B.