"La gauche contre le réel" d'Elisabeth Lévy

Publié le 21 juin 2012 par Francisrichard @francisrichard

Le livre d'Elisabeth Lévy commence très fort. Par ce pastiche de la phrase célèbre attribuée à Voltaire:

"Je ne partage pas vos idées et je me battrai pour que vous ne puissiez pas les défendre."

Le ton est donné et il se maintient tout du long.

Comme on le sait, le pouvoir médiatique en France est en grande partie aux mains de la gauche. Comme je le rappelais sur le site lesobservateurs.ch :

"En France il y a quelque 36 000 journalistes. Parmi eux seuls 2 à 3 000 se disent ouvertement de droite…"

Les écoles de journalisme fabriquent des journalistes de gauche dans les mêmes proportions, comme l'ont montré les votes simulés dans ces écoles au moment des présidentielles. Les choses ne sont donc pas près de changer et il est somme toute réconfortant de constater que malgré tout ce matraquage une grande majorité de citoyens continuent de penser autrement.

Parmi ces 2 à 3 000 journalistes qui se disent de droite, parce qu'ils ne sont pas de gauche, il y en a quelques uns qui font plus de bruit que les autres. Ils s'appellent Eric Zemmour, Elisabeth Lévy, Ivan RioufolPhilippe Cohen, auxquels on peut ajouter pour faire bonne mesure Jean-Jacques Bourdin, Robert Ménard et Eric Brunet.

La gauche idéologique, qui se pense comme "le camp du Bien", les considère comme encore trop nombreux et veut les bâillonner. Cette gauche, qui n'a plus rien de soixante-huitard, ne supporte "la libération de la parole" et "la destruction des tabous" que si elles ne contredisent pas ses façons de penser. Ce qui est un bien grand verbe puisqu'elle préfère de loin les invectives, les noms d'oiseaux et les poursuites judiciaires aux arguments.  

La gauche idéologique, qui a une grande propension à coller des étiquettes sur le dos de ceux qui ne lui plaisent pas, traite de "nouveaux réacs" ou "néo-réacs" les intellectuels, comme Alain Finkielkraut, et les journalistes récalcitrants susnommés. Le terme a une connotation péjorative, de par l'histoire, qui sonne agréablement à son oreille.  Seulement ces intellectuels et ces journalistes, qui jouent les franc-tireurs, "ne sont pas des descendants de Maurras, mais des enfants de De Gaulle, Racine, Voltaire et Camus"... 

Qu'ont donc en commun ces nouveaux réactionnaires aux "profondes différences de sensibilités et d'approches"? Tous refusent non "pas l'idée de Progrès, mais le progressisme qui en est la version génétiquement modifiée". Tous refusent "de se laisser dicter ce qu'ils pensent par l'air du temps". Ils exercent le droit à la critique que la gauche idéologique veut mettre hors la loi:

"Gauchet, Manent, Muray et les autres sont coupables de crime dialectique: hommes des Lumières, ils questionnent les Lumières; démocrates, ils critiquent la démocratie."

Parmi tous ces infréquentables il en est un qui l'est davantage que les autres:

"Il lui suffit d'apparaître pour que l'oeil de l'humaniste se teinte d'une lueur inquiétante, comme si soudainement les instincts les plus anciens de l'espèce, son goût du sang, son appétit de lynchage reprenaient leurs droits. On pense à "la minute de la haine" de 1984. Avec Eric Zemmour, la minute de la haine ne s'arrête jamais."

Là on passe de la mise hors la loi du droit à la critique au déni de réalité.

Elisabeth Lévy rappelle les attaques dont Zemmour a été objet pour avoir osé dire la vérité en 2010 lors d'une émission de télévision:

"Zemmour n'est pas attaqué parce qu'il défend des opinions, contestables par nature, mais parce qu'il énonce des vérités. Et si elles déplaisent, c'est parce qu'elles ne collent pas avec le récit autorisé. Il n'est nul besoin de statistiques pour savoir qu'il y a en France une surreprésentation des étrangers et des Français d'origine immigrée récente dans la population carcérale."

Elle rappelle également les accusations d'homophobie et de négationnisme dont Christian Vanneste a été l'objet cette année pour avoir osé dire une vérité historique sur la Seconde Guerre Mondiale, confirmée plus tard par Serge Klarsfeld sur le site Nouvelles de France:

"En dehors des trois départements annexés, il n'y a pas eu de déportation homosexuelle en France."

La vérité n'a plus d'importance. Elisabeth Lévy tente une explication:

"A partir du moment où la mémoire de la persécution est une composante centrale de l'identité d'un groupe, tout questionnement sur la réalité de cette persécution est ressentie comme une attaque contre le groupe lui-même."

Il n'en demeure pas moins que, comme elle le dit plus loin, il y a de quoi avoir peur de constater qu'un homme est condamné sans procès pour avoir dit la vérité...

De même est-il surprenant que les Français se voient refuser par la gauche le droit de savoir s'ils mangent ou non de la viande halal: 

"Les citoyens ont le droit de tout savoir, sauf ce qui risque de froisser la "communauté" musulmane."

Elisabeth Lévy rappelle enfin les propos unanimes des représentants de la gauche, tels que François Hollande et Jean-Luc Mélenchon, après la fusillade de Toulouse, le 19 mars de cette année, qui coûta la vie à trois enfants et un adulte devant une école juive. Ils ont un peu trop vite insinué que le tueur ne pouvait être qu'un raciste, influencé par les déclarations de leurs adversaires de droite, avant que l'on ne sache qu'il s'agissait d'un djihadiste:

"La gauche sait oublier ses divisions et se montrer unie comme un seul homme pour taire ce qui lui déplaît. Et faire taire ceux qui lui déplaisent."

Elle conclut ainsi son livre:

"A toutes ces grandes âmes qui hurlent dès qu'il est question d'islam ou d'islamisme, on a envie de dire que la négation du réel est un poison tout aussi violent que le rejet de l'Autre. Pour notre République et pour notre liberté de penser - lesquelles, faut-il le rappeler, ne peuvent aller l'une sans l'autre."

Le pli de la négation du réel est pris quand on sait que quelque chose est vraie et quand on sussurre qu'il ne faut surtout pas le dire...

Francis Richard

La gauche contre le réel, Elisabeth Lévy, 324 pages, Fayard ici

(Elisabeth Lévy sévit sur le site Causeur.fr)