Misia, Ziggy, Ken Loach, Goldoni et les autres…

Publié le 25 juin 2012 par Mademoiselledupetitbois @MlleduPetitBois

Une femme à (re)découvrir, et des films, du théâtre, des chansons…

Oh la la, oh la la, oh la la… “En retard ! Je suis en retard !”, disait le petit lapin blanc dans Alice… Comme le temps file. Loin le palmarès de Cannes, loin Bob Dylan… loin le temps où j’avais un peu le loisir de partager ici mes engouements ! Mais enfin, je reviens, juste pour signaler quelques bonnes idées qui m’ont emballée, en me disant que ça ira mieux… en été ?

Allez, un petit tour en quatre points culture… Musique. Cinéma. Expo. Théâtre.

• Ziggy et les 40 bougies

Stardust ne connaît pas la poussière. Pour ses quarante ans, est ressorti en juin en belle version remasterisée deluxe (par le producteur de l’époque qui a pris soin de ne pas ripoliner au numérique) l’album phare de la planète Bowie : The rise and fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars. Je l’avais déjà évoqué en parlant du chanteur, je ne m’en lasse pas et je recommande aux amateurs et à ceux qui n’ont pas encore fait cette magistrale rencontre avec Starman le Moonage Daydream et Rock n’ Roll Suicide

• Du rire et de la poésie en films

Un peu de toile sans araignées cette fois. Ne pas aller voir cette insipide version de Bel Ami, dont l’affichage publicitaire me fait m’étrangler d’indignation – baseline de la pub : “les Liaisons dangereuses pour une nouvelle génération” – débile, la nouvelle génération ? Car que vient fiche Choderlos de Laclos chez Maupassant, hein ? Bonjour le niveau (faut dire que ça vient du magazine Glamour, cette petite phrase stupide). Outre que le film est une daube, lisez donc le livre, évidemment.

J’ai toujours aimé, bon an mal an, les films de Podalydès Bruno, avec Podalydès Denis dedans. De l’exceptionnel Dieu seul me voit (Versailles Chantier), à son originel Versailles Rive-Gauche, en passant par le moins enchanteur mais quand même bon Liberté-Oléron, j’adore leur sens de l’absurde, de la petite poésie discrète, du doute qui perturbe et enrichit l’existence. Faut donc aller voir Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé, car il y a de tout ça dedans, même si ça peut sembler pécher un peu en rythme parfois.

Aussi ce mercredi arrive le nouveau Ken Loach. Là encore, la générosité et la chaleur sous ciel gris du cinéaste british suscitent le plus souvent mon adhésion – Riff Raff, Raining Stones, My name is Joe jusqu’à l’ancien ibérique-friendly Land and Freedom et le lyrique Le vent se lève. Films toujours plus ou moins engagés, au service du cœur des gens. Et il paraît que ce petit dernier est très drôle. A ne pas louper donc.

En attendant Holy Motors de Leos Carax le 4 juillet, avec l’immense Denis Lavant.

• De Misia à la Muse

Misia Sert était une sacrée bonne femme. Peu, voire pas connue du grand public, le Musée d’Orsay (encore lui) répare cette injustice envers cette grande amie des arts, femme flamboyante et inspiratrice de grandes œuvres chez ses amis peintres les Nabis, au premier rang desquels Vuillard et Bonnard. Mariée d’abord à Thadée Nathanson avec qui elle lance la fameuse Revue Blanche au début du siècle, elle fréquente et inspire tout le gratin du Paris des années 1900 jusqu’aux années folles. Diaghilev, Picasso, Chanel, Colette… Uf ! Un tourbillon que cette femme, dont les mémoires sont aussi peu fiables que son passeport : elle n’hésita pas, pour sa bonne cause, à trafiquoter sa date de naissance pour se rajeunir de… quinze ans. Elle épouse en troisièmes noces José Maria Sert, peintre espagnol (auquel le Petit Palais a récemment consacré une expo – mais son art monumental personnellement ne me touche pas du tout), qui lui laisse son nom avec lequel on se souvient, enfin, d’elle aujourd’hui.

Misia, par Pierre Bonnard (1908), coll. du musée Thyssen-Bornemisza, Madrid

A rapprocher côté tempérament et parcours de la peintre sensuelle Tamara de Lempicka, c’est Paul Morand qui en parle peut-être le mieux (dans ce merveilleux texte qu’est Venises, à découvrir en collection Gallimard L’imaginaire) :

“Misia, non pas telle que ses faibles Mémoires la recomposent, mais telle qu’elle exista : effervescente de joie ou de fureur, originale et emprunteuse, récolteuse de génies, tous amoureux d’elle : Vuillard, Bonnard, Renoir, Stravinsky, Picasso… collectionneuse de cœurs et d’arbres Ming en quartz rose ; lançant ses lubies, devenues des modes aussitôt exploitées (…) Misia, reine du baroque moderne, ayant organisé sa vie dans le bizarre, dans la nacre, dans le burgau ; Misia boudeuse, artificieuse, géniale dans la perfidie, raffinée dans la cruauté (…). Elle excitait le génie comme certains rois savent fabriquer des vainqueurs, rien que par la vibration de son être (…).”

Tout est dit… et je suis sûre que ça vous fait envie.

• Et un peu de Goldoni pour la joie et l’envie

Parlant Venises, voici celle de Goldoni. C’est une jolie pièce qui donne envie – ou pas, selon n’est-ce pas – d’être amoureux. Selon le tempérament… ici tout à fait latin. Carlo Goldoni, auteur vénitien du XVIIIe siècle, a fait des mœurs de sa société le cœur allègre et intelligent de son théâtre. Premier dramaturge “réaliste” italien, il rompt avec le lyrisme pour donner à voir – et à entendre – l’âme de ses concitoyens, petites gens comme petits maîtres, âmes nobles ou âmes flétries. Avec Les Amoureux, il offre une comédie-bijou de causticité sur la “fureur” qui s’empare des pauvres cœurs de ses personnages. C’est drôle, léger, et bien servi par cette jeune troupe qui après avoir occupé l’Aktéon deux mois durant, reprend la scène à Montmartre de juillet à septembre, au Funambule. Parfait pour le plaisir d’une nuit d’été.

Bon, je crois que ma conscience est quelque peu soulagée d’avoir alimenté un peu le canal des envies. Je finirai en signalant la nouvelle édition de ce beau festival de cinéma de La Rochelle qui commence ce week-end, où j’ai la chance d’être invitée. Mais je vous en reparlerai… très vite !

- Les Amoureux, de Carlo Goldoni, au théâtre Le Funambule, du 4 juillet au 1er septembre, mercredi-samedi 20 heures, dimanche 16 heures. 53 rue des Saules, Paris 18e, métro Lamarck-Caulaincourt.

- Misia Reine de Paris, au Musée d’Orsay, jusqu’au 9 septembre.

- Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé, de Bruno Podalydès, avec Denis Podalydès, Valérie Lemercier, Isabelle Candelier… La part des anges, de Ken Loach, avec Paul Brannigan et John Hershaw. Deux films en ce moment sur les écrans.

- The Rise and fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars, de David Bowie, nouvelle version remasterisée (juin 2012) et DVD collector. Dans les bacs et sur le web.