LA FEMME AU MIROIR, d'Eric Emmanuel SCHMITT

Par Geybuss

Roman - Editions Albin Michel - 455 pages - 22.30€

Parution en août 2011 - Rentrée litt septembre 2011

L'histoire : Anne vit à Bruges au temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale de Sigmund Freud, Anny à Hollywood de nos jours. Toutes trois se sentent différentes de leurs contemporaines; refusant le rôle que leur imposent les hommes, elles cherchent à se rendre maîtresses de leur destin. Trois époques, trois femmes: et si c'était la même?

Tentation : La conférence de l'auteur à laquelle j'ai assisté

Fournisseur : La bib

Mon humble avis : Ce billet risque d'être court car ma lecture remonte à fin février et la vie fait que je ne le rédige que mi mai, soit 3 mois plus tard. Ce sera donc plus un billet souvenir et ressenti.

Je sais que j'ai adoré ce livre, que j'en ai fait un livre hérisson plein de petits post it avec des citations que j'ai recopiées. L'écriture d'Eric Emmanuel Schmitt m'a une fois de plus été douce,naturelle et soignée, poétique et imagée. Bref, une écriture qui me plait et me touche beaucoup.

Le livre m'a bouleversée à plusieurs reprises, tant je me suis sentie proche de ces 3 femmes, malgré nos différences sociales, culturelles et séculères certaines. Toutes 3 se posent des questions existencielles sur l'amour, la mort, la vie, leur devoir conjugal, la maternité, le regard et les attentes du monde sur elles. Alors, chacune va, à sa manière, tenter de prendre les choses en main pour rester maitresse de sa vie quitte a bousculer l'ordre préconçue ou même sa petite vie tranquille.

Anne, dans le Bruges de la Renaissance, est celle qui m'est la plus lointaine par son mysticisme qui par moment m'a dépassée. Hanna dans le Vienne de Freud, m'a fascinée avec sa découverte de la psychanalise et de son bien fait. Anny m'a émue, car elle vit dans mon époque. Nos difficultés ne sont pas les mêmes, mes les résultats se rapprochent, même si je ne suis pas une star Hollywoodienne, je partage certain de ses démons finalement.

Eric Emmanuel Schmitt, par ce livre, voulait montrer à quel point être une femme libre était dur, quelque soit la période, sachant que chaque époque a proposé ou propose, face au mal être, à la révolte ou à une certaine "hérésie", son remède : la religion à la Renaissance, la psychanalyse au 20ème siècle, et les solutions chimiques, légales ou non, au 21ème siècle.

Et moi, femme de mon époque, et bien j'avoue user des deux derniers remèdes, suite à une overdose du premier !

Schmitt admire la femme dans ce livre et lui offre un miroir à travers l'Histoire (qu'aurai-je été en ces temps là), et chaque époque est extrêmement bien décrites. Le cynisme et l'humour qui décrivent l'univers impitoyable d'Hollywood apportent des moments truculents.

Chacun des personnages devient bien plus complexes qu'aux premiers abords. Les 3 femmes prennent la parole, à leur façon, à tour de rôle au fil des chapitres, ce qui est parfois cruelle pour le lectrice que je suis et qui aurait bien lu l'histoire d'Hanna d'une traite, sans l'interrompre par le destin des deux autres. Mais, bien sûr, le destin des 3 se rejoindra... Surprise et fin sympatique, bien trouvée.

C'est un livre aussi passionnant qu'émouvant à lire. Et puis derrière chaque livre de Schmitt, il y a une bonne dose de philosophie qui donne toujours à réfléchir à son propre niveau. Une philosophie universelle, accessible à tous. Le chemin vers soi est long, est pas toujours confortable. Par contre, cette lecture est délicieuse et enrichissante, je ne peux donc que vous la conseiller.

« Oui, celle qui rédige ces pages ne sait plus quoi penser. Je crains d'être différente. Affreusement différente. Pourquoi ne puis-je me contenter de ce qui enthousiasmerait une autre ? » Hanna

 

« je ne sais pas être la femme que notre époque exige. Je peine à m'intéresser aux sujets de notre sexe, les hommes, les enfants, les bijoux, la mode, le foyer, le cuisine et... ma petite personne. Car la féminité ordonne qu'on porte un culte à soi, à son visage, à sa ligne, à ses cheveux, à son apparence. » Hanna

 

« Simple fillette égarée au pays des femmes et contrainte à mimer l'adulte, je vis dans l'imposture. » Hanna



 « Plus le prodige se reproduisait, moins il l'intriguait. La rareté crée le miracle, la répétition l'efface. » Anne.

 

« Pourtant, je comprends bien : une part de moi souffre. J'ai l'impression d'être une erreur. Une erreur complète. En fait, je ne me hisse à la hauteur de rien, ni de ce que la vie m'offre, ni de ce qu'elle attend de moi ». Hanna

 

«  Anny, le public t'adore pour l'histoire que tu lui racontes. Pas pour ce que tu es. » Anny



 « je suis gaie, oui, mais je ne suis pas heureuse. Les autres me considèrent comme une fille marrante, une fêtarde sans complexes, mais cette agitation cache ma vérité. Un maquillage. En général, les gens qui se badigeonnent de fond de teint dissimulent une vilaine peau. » Anny.

« Je crois que ma tristesse a un rapport avec l'amour. J'ai besoin d'aimer, d'aimer plus, d'aimer vraiment. J'ai l'impression que je n'y suis pas arrivée. » Anny


 « Avec le recul, il explique pourquoi Hanna ne s'accordait ni avec elle même ni avec les autres. Elle s'estimait toujours en situation d'imposture. Elle se voyait à distance, se blâmait, se condamnait »