Piscines: quand la négligence devient tragique

Publié le 27 juin 2012 par Nuage1962

Oui comment se fait-il que des gens vont payer une fortune pour une piscine et autant pour l’entretient mais sont trop séraphin pour accentuer sur la sécurité qu’ils aient des enfants ou non .. ou qu’ils ne veulent pas enlever le cachet du décor ???
Nuage

Piscines: quand la négligence devient tragique


Gabrielle Duchaine

La Presse

Même si les noyades se multiplient au Québec – on en compte déjà 34 cette année -, certains citoyens récalcitrants se contentent du strict minimum ou boudent carrément la loi quand vient le temps de rendre leur piscine sécuritaire. Excédées, les familles voisines multiplient les plaintes, et certaines municipalités doivent se tourner vers les tribunaux pour éviter que la simple inconscience ne se transforme en tragédie.

Le 19 juin 2011, Marco Makalebo est mort noyé dans la piscine privée d’une résidence voisine de celle où il se faisait garder. Il ne lui a fallu que quelques minutes pour s’éclipser dans la cour d’à côté. Lorsque sa gardienne s’est aperçue de sa disparition, il était déjà trop tard: le petit garçon de 5 ans reposait au fond du bassin d’eau verdâtre qui n’avait pas été entretenu depuis plusieurs mois. Il avait pris le temps d’enlever ses vêtements avant de se jeter à l’eau.

Les circonstances exactes entourant son décès n’ont pas encore été élucidées par le Bureau du coroner, mais une chose est sûre: Marco n’aurait jamais dû avoir accès à la piscine des voisins. Encore aujourd’hui, la douleur est vive pour ses parents.

«Je ne suis plus le même homme depuis qu’on m’a enlevé mon fils», confie son père en pressant la main sur son coeur.

Les histoires comme celle de la famille Makalebo sont une véritable phobie pour bien des parents. Le week-end dernier, le cauchemar s’est concrétisé pour deux familles de la région de Montréal: un bambin de 3 ans a été trouvé au fond de la piscine creusée de sa résidence de Sainte-Martine, en Montérégie, et un petit garçon de 2 ans a été découvert inconscient dans une piscine de Terrebonne. Le plus jeune est mort et l’autre lutte encore pour sa vie.

Négligence

Pourtant, les propriétaires de piscine sont encore nombreux à négliger les mesures de sécurité élémentaires, comme l’installation d’une simple clôture autour de leur plan d’eau ou d’un loquet sur une porte d’accès, comme l’exige d’ailleurs le règlement.

«Les gens veulent se conformer juste pour se conformer. Pas nécessairement pour prévenir la noyade, déplore le directeur général de la Société de sauvetage, Raynald Hawkins. Et pourtant, la majorité des noyades dans des piscines résidentielles surviennent à cause d’une trop grande accessibilité. Ceux qui n’ont pas d’enfants doivent prendre conscience que des enfants habitent peut-être la maison voisine.»

C’est exactement ce qu’Antoine (nom fictif), nouveau résidant de Boucherville, tente de faire valoir à ses voisins. L’homme doit emménager au cours des prochaines semaines dans la maison qu’il vient d’acheter avec sa conjointe et leur fille de 3 ans. Dans les cours attenantes à la sienne: trois piscines, toutes considérées comme dangereuses par la Société de sauvetage. Deux piscines hors terre sont protégées par des clôtures, mais la porte de l’une d’elles était ouverte et l’autre ne possédait pas de loquet, a constaté La Presse. Pire encore, la piscine creusée du troisième voisin n’était protégée, jusqu’au mois dernier, que par quelques jeunes cèdres. Depuis, les propriétaires ont installé une clôture souple en damier qui mesure tout juste le 1,2 mètre requis de leur côté, mais qui est moins haute dans la cour voisine à cause d’une dénivellation du terrain.

«Je n’arrive pas à comprendre que des gens payent des milliers de dollars pour une piscine, mais ne débloquent pas assez d’argent pour assurer leur sécurité et celle des voisins, affirme Antoine. Si un enfant se noie chez eux, que feront-ils alors?»

Le père de famille compte bien installer une barrière de son côté afin de protéger sa fille.

«C’est le seul pouvoir que j’ai.»

Il n’exclut pas de traîner ses voisins devant les tribunaux pour leur refiler la moitié de la facture.

Plaintes

Chaque année, les municipalités reçoivent de nombreuses plaintes de la part de citoyens qui, comme Antoine, souhaitent dénoncer des lacunes dans la sécurité de la piscine de leurs voisins. La Ville de Repentigny en compte déjà sept depuis le début de l’été, et Saint-Eustache, deux. À Longueuil, on en dénombre 16 depuis mai 2011, alors que Brossard et Boucherville en recensent de cinq à dix annuellement.

«Lorsque la plainte est fondée, la Ville procède à l’envoi d’avis d’infraction au propriétaire demandant de corriger la situation dans les meilleurs délais. Par la suite, advenant une omission de la part du contrevenant à se conformer, un constat d’infraction est rédigé», explique Alexandrine Coutu, chef d’unité au Service des affaires publiques de la Ville de Longueuil.

Les autres municipalités rapportent des mesures semblables.

Inflexible

Cela n’est parfois pas suffisant. L’an dernier, la Ville de Rosemère a traîné un citoyen en cour pour le forcer à clôturer sa piscine. Le tribunal a donné raison à la municipalité, mais le citoyen en question, Eugène Alexandrescu, a préféré vendre la propriété plutôt que d’obtempérer. Encore aujourd’hui, il est persuadé d’avoir eu raison.

«J’avais un droit acquis, mais l’inspecteur a voulu être plus catholique que le pape, clame-t-il. Il n’y avait pas de place pour mettre une clôture sans détruire tout le look de la cour.»

Selon lui, les risques qu’un enfant tombe dans son bassin et s’y noie étaient nuls.

«Les enfants ne se promènent pas seuls sur les terrains des autres. Les parents les surveillent. Et de toute manière, les noyades dans des piscines privées sont rares et quand elles arrivent, c’est dans la piscine de leur propre maison. Pas dans celle des autres.»

C’est faux. Les noyades dans les piscines résidentielles représentent une noyade sur dix, et le tiers des victimes de celles-ci ont moins de 5 ans, révèle une étude du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. L’an dernier seulement, au moins un enfant est mort noyé dans une piscine qui n’était pas la sienne, sans compter tous ceux qui sont simplement tombés à l’eau. Selon les données de l’Institut de santé publique du Québec, il y aurait eu un peu plus de 200 hospitalisations d’enfants de moins de 5 ans à la suite d’une noyade entre 2000 et 2008.

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