S'il fallait choisir une langue unique pour l'Europe

Publié le 27 juin 2012 par Martin78550 @_Martin_89

L'Europe est une vraie tour de Babel. Imaginez que sur la seule péninsule ibérique, on compte le castillan, le portugais et le catalan parmi les langues usuelles, chacune ayant des millions de locuteurs. Ajoutez à cela les autres langues romanes, les langues slaves et germaniques et vous aurez au niveau européen un concentré de diversité linguistique tout à fait étonnant.  A contrario, l'Amérique du Nord, par exemple, est presque essentiellement anglophone. De même, l'Amérique latine se partage entre espagnol et portugais, pour une étendue infiniment plus vaste que l'Europe occidentale. Autre exemple, le monde arabe peut s'appuyer sur l'arabe littéraire pour faciliter les communications, malgré la variété des dialectes qui le composent.
Le problème majeur de cette situation est qu'il est délicat de bâtir un ensemble géopolitique cohérent en s'appuyant sur une diversité linguistique aussi grande. Pensez à la complication engendrée par les traductions lors des sommets internationaux . L'idée d'adopter une langue unique pour souder le continent et faciliter les échanges de toute nature n'a donc rien d'original ni de neuf. Pourtant, cette solution semble complètement hors de portée. D'une part l’Espéranto a prouvé qu'une langue construire échouerait fatalement, et d'autre part les Etats-Nations sont tellement attachés à leurs idiomes locaux qu'il semble impossible d'imposer une langue étrangère aux Européens.
Pourtant, supposons que le continent soit prêt, et qu'il faille choisir une langue "principale" qui serait obligatoirement enseignée dans toutes les écoles de l'union, et qui servirait à l'administration et à toute forme de signalisation. Cela semble complètement utopique, mais n'oubliez pas que c'est justement là l'enjeu de ce blog.
La première idée qui vient à l'esprit est l'anglais. Cette langue s'est déjà répandue dans les échanges internationaux sous la forme d'un "globish" incontournable. Les besoins du commerce ont en particulier accéléré la diffusion de l'anglais, pour le meilleur et pour le pire. De plus cette langue compte environ 400 millions de native speakers. Pourtant, choisir l'anglais en tant que langue officielle de l'Europe peut être vu comme une erreur à plusieurs égards.  Premièrement, le seul ensemble anglophone de l'Europe est le couple Irlande-Royaume Uni qui reste d'une certaine façon en retrait de la construction européenne. La Grande-Bretagne penche plus vers l'Amérique, et l'euroscepticisme qui agite ses gouvernants n'a de cesse d'être dévoilé au grand jour. D'autre part, choisir la langue des Etats-Unis n'est pas vraiment un signe d'autonomie et d'indépendance vis à vis des pays émergents et du monde asiatique. Enfin, d'un point de vue purement linguistique, je trouve personnellement que cette langue a peu de cohérence vis à vis de certaines autres, qui semblent plus monolithiques. Je pense notamment à la diversité de l'origine du vocabulaire anglais, qui en font une langue à substrat germanique devenue quasiment latine d'un point de vue du vocabulaire, qui parfois n'a rien de germanique. On peut aussi ajouter à cela la prononciation, peu logique et soumise à d'innombrables variations assez imprévisibles. Apprendre l'anglais se révèle donc ardu, et le choix de cette langue comme langue européenne n°1 semble donc très contestable.
Pour moi, la solution est l'espagnol, ou plus précisément le castillan.  Cette langue compte plus de locuteurs que l'anglais et elle est aujourd'hui la deuxième langue la plus parlée au monde derrière le mandarin (http://www.ethnologue.com/ethno_docs/distribution.asp?by=size). L'espagnol progresse aux Etats-Unis, et le développement des pays d'Amérique latine accélère son développement. C'est une langue européenne, cohérente, et de plus son apprentissage reste relativement accessible pour les pays à langue romane comme la France. En tant que Français, choisir l'espagnol reste un "moindre mal" car cette langue est une langue latine, qui reprend un vocabulaire proche et des structures grammaticales similaires. Donc oui, pour moi, s'il fallait choisir une langue principale en Europe, ce devrait être l'espagnol plus que tout autre choix. Bien sûr, nous sommes en pleine science fiction car cela impliquerait une relégation des autres langues à un statut inférieur, et certains pays n'y consentiraient jamais. Pourtant, l'Histoire montre que le nombre de langues ne fait que diminuer avec le temps, et une langue comme le français est aujourd'hui de plus en plus anecdotique au niveau mondial, tout comme l'italien ou même l'allemand.
Alors oui, adopter aujourd'hui la langue d'un pays miné par la crise est peu judicieux d'un point de vue symbolique. Peut être, mais demain ?