Annabel de Kathleen Winter

Par Ngiroux

«Les choses auraient pu tourner autrement si Wayne n’était pas né en 1968 dans une contrée où le lichen des caribous tapisse le sol de blanc et de vert, où des panaches de fumée s’élèvent des maisons et où les sables aurifères, trop éloignés, n’attirent pas les foules – des plages solitaires sous les aurores boréales. Le labrador.»

Treadway et Jacinta Blake ont leur premier et unique enfant, Wayne, né au début du mois de mars, aux premiers signes du dégel printanier. Ce bébé est  en bonne santé mais hermaphrodite. Le bébé vivra bien, d’une manière qu’ils leur restent encore à découvrir. Ce bébé vivra-t-il au masculin, ou au féminin ?

Le père cherche désespérément un moyen de gommer la troublante ambiguïté de leur enfant. La mère imagine que serait le fait de vivre avec cette même ambiguïté.  Elle imagine sa fille à l’âge adulte, une beauté en robe de satin écarlate, dissimulant sous son vêtement ses caractéristiques masculines, prête à déployer la puissance du guerrier ou l’agressivité latente d’un homme.

 Mais la taille du pénis à la naissance est le premier critère pour déterminer le sexe, ce sera un garçon et il s’appellera Wayne comme son grand-père.

C’est avec tantôt Wayne, tantôt Annabel que l’auteure nous découvre cette essentialité ambigüe, ayant comme décors cette sauvage, grandiose, omniprésente, nature du Labrador.

Annabel dans sa version originale anglaise, fut finaliste pour le prix du Gouverneur, Giller et Orange et couronné meilleur livre de l’année par le Globe and Mail et Amazon.ca. Un thème largement exploité, mais Kathleen Winter nous découvre d’une écriture parfois très poétique, parfois très réaliste, cette ambigüité sexuelle dans deux univers très différents, un petit village isolé du Labrador et celui d’une grande ville St John’s, capitale de Terre-neuve.