Chronique de dissection : la moule

Publié le 05 juillet 2012 par Svtcolin
Ce sont parmi les expériences les plus marquantes de l’enseignement ; souvent critiquées ou évoquées comme un traumatisme, les dissections n’en sont pas moins un remarquable exercice d’observation aux nombreuses vertus pédagogiques. Dans ces articles intitulés « chroniques de dissection » je reviendrai sur quelques TP de biologie animale de l’UPPA.
La moule
Première approche...
La moule commune (Mytilus edulis) est un mollusque bivalve tout à fait classique. C'est à dire une sorte d'objet inerte et néanmoins vivant, barricadé derrière sa coquille constituée de deux valves. Peu mobile, malgré qu'elle puisse "ramper" grâce à son pied locomoteur, la stratégie de la moule consiste donc à cacher le mystère de son anatomie en maintenant fermement ses deux valves fermées l'une contre l'autre en tout cas à l'air libre. Car dans l'eau il n'en est rien, la moule s'entrouvre laissant passer un courant nécessaire à sa respiration et à son alimentation.
L'autre cas ou la moule peut s'ouvrir c'est bien sur lorsqu'elle "trépasse", après cuisson dans du vin blanc le plus fréquemment. En réalité les valves sont maintenues fermées par deux muscles adducteurs blancs nacrés en forme de piliers. A l'opposé de cette force exercée par ces muscles, un ligament élastique au niveau de la charnière tend à ouvrir la coquille en permanence. Post-mortem les muscles sont inactifs mais le ligament conserve ses propriétés et la moule s'ouvre comme par magie.
D'un point de vue externe cette coquille est souvent colonisée par d'autres organisme épibiontes tels que les serpules (petit vers produisant un tube calcaire blanc), les "bryozoaires" formant un tapis grisâtre un peu mou, ou encore les balanes, des crustacés fixés recouverts par un ensemble de plaques formant un cône (la muraille).
[Quelques organismes épibiontes chez la moule: balanes à gauche et tubes de serpules à droite]
La coquille de la moule est constituée de trois couches, la noire plus externe ou periostracum est riche en protéines contribuant à éviter une trop grande solubilité du reste de la coquille formée de cristaux de carbonate de calcium. Les deux autres couches, calcaires donc, sont constituées soit de cristaux de calcite (ostracum) soit de cristaux d'aragonite  (nacre interne ou  hypostracum). La croissance irrégulière de la coquille produite par le manteau sous-jacent conduit à la formation de stries de croissance bien visibles.
Ouvrir la bête
Le principale défi posé par les bivalves, aux prédateurs, comme aux observateurs curieux de son anatomie réside donc dans l'ouverture de la coquille. Si les étoiles de mer utilisent leurs podia dans un bras de fer sans merci, la technique des oiseaux est elle plus directe sans pour autant être simpliste. Elle consiste en effet à lâcher l'animal s'être envolé de quelque mètre sur un sol dure.
Dans cette première vidéo ce goéland ne semble pas avoir bien compris la technique: Sans doute que maître corbeau sur son câble perché pourrait lui donner quelque conseil pour exploiter au mieux le trafic routier...
Quoi qu'il en soit pour notre observation il convient d'ouvrir la moule avec beaucoup de précautions, pour ne pas l'abimer bien sur, mais pour ne pas abimer sa main non plus. La technique consiste à passer une lame de scalpel entre les deux valves au niveau du muscle adducteur postérieur. Après avoir sectionné ce dernier les deux valves vont naturellement s'écarter sous l'action du ligament de la charnière. Il ne reste plus qu'à décoller les bords du manteau pour ensuite observer l'animal de plus près.
Cavité palléale : Home sweet home
 L'ensemble du manteau constitue une sorte d'enveloppe délimitant la cavité principale: la cavité palléale. En écartant les deux bords de ce manteau, on observe alors les principaux organes de la moule. La majeure partie de cette cavité palléale est remplie par les branchies ou cténidies (2 de chaque coté). Ces branchies sont au cœur de la biologie des bivalves, équipées de cils vibratiles très faciles à observer au microscope, elles générèrent un courant d'eau important. Richement irriguées et présentant une grande surface d'échange, elle permettent les échanges gazeux. Enfin, tapissées de mucus elles constituent un piège pour toutes les particules alimentaires qui sont ensuite ramenées à la bouche  sous forme de "boulettes" par un système de gouttière (c'est de la microphagie).

 
[Cils vibratiles sur la filaments branchiaux chez la moule - Vue en MEB et en microscopie photonique. Pour observer les mouvements des cils en microscopie photonique, il est important: 1-De prélever une petite quantité de branchie  2-De bien étaler dans une goutte d'eau de mer 3-De jouer sur l'ouverture du diaphragme pour faire ressortir le contraste. ]
Le reste des organes visibles constituent l'appareil locomoteur et fixateur (avec le pied, et les filaments du byssus sécrétés par la glande byssogène), excréteur et reproducteur (avec l'organe de Bojanus, la bosse de polichinelle et les papilles uro-génitales), ou encore l'appareil digestif (avec l'hépatopancréas et les palpes labiaux entourant la bouche).
[La dissection complète - cliquez sur l'image pour l'agrandir]
Ainsi la moule mène une vie simple, fixée sur son rocher, à l’abri derrière sa coquille, filtrant sans relâche l'eau de mer à marrée haute et attendant patiemment une mort probable à marée basse... 
Sources :
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