Elle et nous - Michel Jean

Par Venise19 @VeniseLandry
Deux mois après voir refermé la couverture de “Elle et nous”, que m’en reste-t-il ?
Avant tout, j’adore l’apparence du livre et l’illustration de sa couverture (œuvre signée Marike Paradis), d’une beauté fascinante. Je considère important de communiquer cette appréciation à l’ère du numérique. J'apprécie tellement l’objet « livre » que j’ai attendu de le trouver dans une de mes boîtes de déménagement avant de le commenter. J’avais besoin de le toucher, de le feuilleter, de le sentir. Et j’adore le titre, d'une justesse simple, c’est le son que je trouve génial. Quand j’entends « et nous », j’entends Innui, quand c’est de cette culture dont il est question. La grand-mère de Michel Jean, Jeannette Gagnon est d'origine Innuie. Ce prénom et nom adoptés en même temps qu’une vie hors des mœurs et habitudes apprises dans son enfance.
J’ai terminé l’histoire depuis deux mois et mon souvenir le plus vif va pour l’histoire de Shashuan Pileshish, signifiant Hirondelle, plus que celle de Jeannette, les deux étant pourtant la même personne ! Shashuan Pileshish était le prénom de l’enfant de la chasse et de la trappe, l’enfant nomade qui changeait de lieu en même temps que la saison, l’enfant aux mœurs passionnantes à découvrir.
Au cours de ma lecture, j’ai régulièrement pensé à Agaguk d'Yves Thériault, roman que j’ai tellement aimé. Je ne partais pas de moins que zéro dans l’apprivoisement de cette vie palpitante, ne serait que parce que dépourvue de toutes assurances. Dans le meilleur des cas, on voit venir sa nourriture et son toit, une saison à la fois, au pire, un jour à la fois. Le demain est une promesse d’aventures, ce qui est tellement différent de notre vie actuelle où Bell Canada t’annonce que tu vis dangereusement si tu n’assures pas tes fils extérieurs !
Michel Jean a opté pour que Jeannette nous parle directement, comme si elle écrivait son journal sous nos yeux. Elle a 100 ans quand elle l’écrit, nous relatant sa jeunesse. J’ai rapidement oublié que ce n’était pas la grand-mère qui écrivait. Quelle grandeur d’âme et d’amour il a fallu à son petit-fils Michel Jean pour s'infiltrer dans la peau de son ancêtre, arrivant à nous la rendre si vraie ! On entre dans le cœur de cette enfant, vite transformée en jeune fille, et on s’y attache ferme. Faut dire qu’elle ne vit pas une vie ordinaire, c’est passionnant, mais toujours l’être humain prend le dessus sur les moeurs et coutumes. Sachant l’auteur journaliste, on aurait pu y trouver des relents de reportage, mais que nenni ! C’est romanesque de la plus belle façon ; tellement vraie qu'elle ne peut être inventée et tellement bien inventée, qu'elle ne peut être vraie. On jurerait qu’il a épié la vie de son ancêtre entre les branches dans les années 1900 !
Je manquerais à ma mission de passerelle de ne pas mentionner que les chapitres se divisent en « ELLE » (Shashuan Pileshish, dite Jeannette) et LUI (Michel Jean). Les « LUI » m’ont intéressés mais cependant moins marqués. Ils m'ont servis de points de repère pour les ELLE, une mèche tenue allumée pour illuminer le passé, un pont aussi. Et puis, évidemment, Michel Jean étant un personnage public, plusieurs vont s’abreuver avec satisfaction à la source biographique des LUI.
Est-ce que l’on choisit l’être qui nous appelle en passant par tous nos sens jusqu’à croiser nos sangs et faire naître des enfants ? Ça dépasse la raison, mot compris dans « raisonnable ». Dans ce roman, si vous l’ouvrez, votre cœur entendra une histoire d’amour, d'une femme à un homme et d'un petit-fils à sa grand-mère.