les débutants

Par Clarinette

L'histoire d'Anna est somme toute ordinaire.  Elle a quanrante-trois ans et vit depuis vingt ans avec Guillaume qu'elle aime et qui la rend heureuse. Un jour, elle croise Thomas et tombe immédiatement amoureuse de lui.

J'ai adoré la première moitié du livre. C'est une simple et banale histoire d'amour, certes. Mais Anne Serre raconte à merveille le basculement d'une femme dans l'état amoureux et la manière dont Thomas et Anna vont se tourner autour et se chercher pendant des mois. Tout son talent réside à mon avis dans la description des sentiments et des émotions d'Anna, et de tout ce qu'implique l'entrée d'un autre homme dans sa vie : ses doutes, ses interrogations... Anna se détache peu à peu de Guillaume, bien qu'elle l'aime encore, pour se rapprocher de Thomas. Elle traverse alors en quelque sorte une nouvelle adolescence (la fameuse crise de la quarantaine ?). L'auteur analyse et décortique dans les moindres détails le ressenti d'Anna, nous ouvre l'accès à ses pensées intimes, nous montre aussi comment la rencontre avec un nouvel homme peut amener une femme à se transformer physiquement et psychologiquement.

Cependant, j'ai été moins sensible à la deuxième moitié que j'ai d'ailleurs lu en diagonale.  Les retours en arrière, les introspections, les tergiversations m'ont moins intéressée que le récit de la naissance de  l'amour entre Thomas et Anna.

Malgré tout, j'ai été très touchée par ce roman comme devraient l'être tous les amoureux ou ceux qui l'ont été un jour.

extrait : "Aujourd'hui, lorsqu'elle pense à ce jour-là et à tant d'autres qui suivirent, Anna reste stupéfaite de la force de son embrasement. Non pas tant que l'embrasement lui ait été inconnu : dans sa vie, deux fois déjà il s'était produit et de la même manière. C'est comme un coin obscur qui prend feu et d'autant plus violemment qu'on aurait versé dessus du pétrole ou de l'alcool. Aussi la flamme monte-t-elle aussitôt, brûlant toute la maison, léchant et noircissanr les murs, dessinant des ombres et des formes gigantesques qui dansent une gigue fascinante. Les deux histoires antérieures, pourtant avaient été malheureuses ; l'autre n'avait pas voulu d'elle, pas de cette femme si bizarrement embrasée. Après les premiers mois de joie aigûe, elle s'était retrouvée désespérée de ne pas atteindre le corps de l'autre et avait souffert bien autant qu'elle avait désiré, c'est-à-dire à un point extrème. Il semble que la vie ne nous apprenne pas grand-chose puisqu'elle recommençait, mais c'est aussi qu'on oublie la souffrance alors que le souvenir de la félicité reste vivant. Quelqu'un  vient-il à la susciter de nouveau ? Et l'on veut une fois de plus être pris dans ce désir extrème que l'on prend pour de l'amour qui le devient parfois mais n'est rien d'autre à la vérité que le désir irrépressible d'être nu contre l'autre."

Les débutants, Anne Serre, Mercure de France, 168 pages.