Amitié et nation

Publié le 09 juillet 2012 par Yvesd

Voila donc 50 piges que la France et l’Allemagne sont amies et pas que sur Facebook. Un anniversaire joyeusement fêté hier par tante Angela et oncle François. Franchement qui s’en plaindrait ? Vaut quand même mieux faire péter le Champagne à Reims que de s’étriper du côté de Sedan ou de Verdun. D’abord parce que ça coute beaucoup moins cher au contribuable, ensuite parce que ça évite de multiplier après les commémorations patriotiques, avec discours grandiloquents devant des brochettes de vétérans cacochymes, de plus en plus clairsemées au fil des ans. Reste que nous aurions tort d’être naïfs : si en 1962 Adenauer et De Gaulle ont décidé de faire table rase d’un passé sanglant, de réconcilier officiellement les amateurs de (vraie) galette-saucisse et les partisans de la Bratwurst-Kartoffeln c’était pour d’excellentes raisons. Menacée par l’Union Soviétique (le mur de Berlin venait d’être érigé) l’Allemagne de l’époque souhaitait se garantir une paix durable sur sa frontière occidentale ; comme d’hab’, De Gaulle voulait montrer aux Américains que l’Europe en général et la France en particulier pouvaient se passer d’eux.

Ce « mariage » était donc de « raison » certainement pas « d’amour ». Quelque part c’est préférable car, sans reprendre nécessairement à notre compte l’aphorisme de Céline (Louis-Ferdinand, pas le maroquinier de la rue François Premier) selon lequel l’amour c’est l’infini mis à la portée des caniches, on peut penser avec les Rita Mitsouko que les histoires d’amour finissent mal en général… En plus, même si tous les goûts sont dans la « nature », devoir sauter la mère Merkel le samedi soir est une épreuve que nous ne souhaitons à personne, même pas à François Hollande. Les lecteurs de « Restons Correct ! » ont pourtant le droit de savoir que le « couple » franco-allemand n’a rien d’éternel. Ne serait-ce que parce que les conditions qui prévalurent à sa constitution ne sont plus vraiment d’actualité. L’anti-américanisme est en voie de disparition et ne survit plus qu’au fin fond de quelques cambrousses reculées et, si on excepte quelques pays définitivement sous-développés y compris certaines zones du 9-3, la menace communiste n’est plus qu’un « tigre de papier », édenté et jauni par le temps…

Tant mieux finalement ! Avons-nous besoin d’un traité quinquagénaire pour nous faire des amis de l’autre côté du Rhin ? La Liberté de nous faire des potes où bon nous semble doit-elle être encadrée par telle ou telle considération géopolitique, officialisée par un traité d’amitié obligatoire entre les peuples ? L’amitié n’est-elle pas d’abord une question d’atomes crochus ? Pour paraphraser Montaigne à propos de La Boétie, si j’ai lié durant ma vie des liens amicaux avec des Allemands, des Britanniques, des Italiens, des Américains, des Suisses, des Tunisiens, des Canadiens - j’en passe et de meilleurs amis - et même des Belges et Bretons, n’est ce pas d’abord parce que c’étaient eux et parce que c’était moi ? L’amitié est sans doute la forme la plus élémentaire de l’humanisme et n’a nul besoin d’injonctions officielles pour la manifester à autrui. Mieux : quand tous les nationalistes décérébrés auront rejoint les patriotes compulsifs au cimetière des cons, la Liberté individuelle aura fait un grand pas en avant…

J’en profite donc pour poser ma question du jour à Marine Le Pen : pour quelles raisons refusez-vous obstinément de devenir mon amie sur Facebook ?