Un désert de jeunesse pour le troisième âge américain.

Publié le 22 mars 2008 par Josst

 
    
Tous les ans à la même époque, lorsque le froid s'invite dans les Etats du nord, des centaines de milliers de retraités américains lèvent le camping-car pour retrouver la douceur d'une aventure en plein coeur de l'Arizona hivernal et rejouer au passage, le grand folklore de la conquête qui anima un temps, les vastes plateaux orifères de l'Ouest Etats-Unien.
Ville éphémère, plantée de mobil-homes et de pick-up, parcourue de chemins terreux et irradiée d'un fin voile solaire, la "mobilcity" de Quartzsite est le théâtre d'un étrange rassemblement qui vient rythmer de manière quasi-cyclique la "morte" saison, et donner au désert un petit air de woodstock pour club du troisème âge.
Les snowbirds, retraités de l'"Amérique profonde" sont ces pionniers de l'automobile qui voient débarquer durant les décennies qui succèdent à la seconde guerre mondiale, "Sedans" et autres "Hardtops", au volant desquels ils vont parcourir les routes à la rencontre d'un hypothétique et souvent, inaccessible rêve américain.
Des snowbirds qui n'ont pour la plupart qu'effleuré la chaleur de ce libéralisme rêvé; ...l'échec d'une vie, qu'aujourd'hui ils tentent de distiller au travers du rassemblement de Quartzsite, seul moyen pour beaucoup de ces seniors, de repousser toujours la mort et d'éterniser aussi, une jeunesse qui voyait leurs esprits chargés d'un espoir égoïste.
Là bas, rien ne manque aux occupations quotidiennes des quelques centaines de milliers de papis et de mamies routards.
D'abord, on organise les campements et puis on se regroupe jusqu'à former un vaste cercle composé d'une dizaine de caravanes. On discute et puis on joue. On écoute la radio locale qui dispense entre deux interviews de septuagénaires quelques conseils médicaux, on regarde la télévision étendu sur le canapé, le chien logé au creux de la hanche et de l'accoudoir... .
 
Retraités atypiques aux vies modestes, sans attaches ni trop d'argent, les habitants de cette "cité" provisoire, symptomatique de l'hyper-mobilité de l'"Amérique" contemporaine, paraîssent fuir le temps de quelques jours, la réalité de leur passé, de leur avenir et celle de leur pays.
  
On vient donc à "Quartzsite-city" pour oublier et puis pour se souvenir.
Se souvenir de ses années passées ici, à oublier, entre frères et soeurs d'une Amérique un peu mise de côté, vieillissante et pas très argentée.
On se souvient des raisons qui nous ont poussé à venir nous arrêter ici au coeur du désert.
Le soleil. C'est le mot, la raison qui revient le plus. Il y a ensuite les copains, la communauté. Il y en a qui viennent parcequ'ils souffrent, là bas, dans les Etats du Nord, dans l'Amérique industrielle et fade de la Rustbelt, celle de la rouille. Il y en à d'autres encore qui viennent parcequ'ils souffrent, mais cette fois ci physiquement. C'est pas moi qui le dit, c'est Big John King, sa prothèse de hanche et son arthrite, qui ne supportent pas le froid...

Quartzsite-city s'amuse et se repose, rattrape le rêve avant que ce dernier ne lui échappe, emporté par l'inexorable vent du désert qui un jour ou l'autre se fera froid pour les âmes délaissées du doux Empire songé. 
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