Salut Marie

Par Irreguliere

La Vierge m'est apparue le 1er avril 2008. La date était mal choisie. Je sais qu'humour et spiritualité ne sont pas toujours antagonistes mais sincèrement, j'aurais préféré le 31 mars.

Comme prévu, mes proches ont reçu la nouvelle comme un canular. Mon frère m'a précisé qu'il déjeunait le jour même avec sainte Thérèse. La conversation a tourné court.

Je l'ai vue. C'est vrai. Vous dire à quoi elle ressemble, c'est facile. Une jolie femme, la trentaine, brune, en robe bleu pâle, nimbée d'azur, perchée sur un croissant de lune.

Pierre Mourange est un mélancolique chronique. Vétérinaire de 51 ans, il ne se remet pas de la mort de sa femme, 10 ans plus tôt. Il se dit catholique mais pas pratiquant, et pas particulièrement demandeur d'un signe de l'au-delà. Aussi lorsque la Vierge lui apparaît le 1er avril 2008, il pense à une erreurs d'aiguillage divin. Surtout que la date était, quand même, assez mal choisi...

Il y a beaucoup de choses dans ce roman à l'humour particulier, qui peut se lire à plusieurs niveaux. De mon côté, je préfère évacuer le côté trop spirituel (qui m'a frappée, j'espère ne pas faire de contresens), autour de la perte de sens et du caractère impénétrable des voies divines. En bonne athée notoire (ce qui ne m'empêche pas de croire aux âmes jumelles mais ça c'est parce que je suis pétrie de contradictions), cela m'a peu touchée, et notamment quelque chose à la fin m'a laissée perplexe et presque révoltée (mais ça c'est parce que je suis imperméable à la sagesse). Disons que finalement, le roman se clôt par ce que je reproche aux religions en général et au catholicisme en particulier : justifier l'injustifiable au lieu de se révolter. Mais finalement, ce côté "réflexion spirituelle" ne m'a pas gênée du tout car il n'est pas "lourd", au contraire. Par contre, j'ai savouré le côté décalé, à la fois drôlissime et profondément émouvant par moments (oui, j'ai eu les larmes aux yeux), plein de fantaisie et souvent irrévérencieux (lorsqu'à la deuxième apparition de la Vierge le narrateur lui lance un caillou, j'en ai pleuré de rire, mais ça c'est parce que je suis un peu méchante), parfois burlesque (le pèlerinage à Lourdes et une certaine scène dans la grotte, d'anthologie). Ce qui est intéressant surtout, c'est de voir le personnage évoluer, s'ouvrir aux autres, sortir de son chagrin (lui qui est, donc, un mélancolique chronique aux dires de son médecin). En cela, le roman devient fable ou conte, et parvient du coup à toucher et faire sens même pour les incurables révoltés comme moi, l'apparition de la Vierge fonctionnant comme une métaphore de n'importe quel événement pouvant nous révéler à nous même, et auquel on ne peut pas tourner le dos, même si au départ on croit que ça ne va pas changer notre vie.

Il s'agit donc d'un roman riche, une vraie comédie, avec laquelle on passe un bon moment tant c'est drôle et vif, mais qui en même temps s'avère profonde et pleine de sens, sur des thèmes douloureux comme la mort, le deuil, la maladie, et la spiritualité !

Salut Marie

Antoine SENANQUE

Grasset, 2012


 

(Pour répondre à l'auteur : oui, on peut. Une fois, j'ai vu une aura (je précise : il était 10h du matin et non, je n'avais pas abusé de l'absinthe). Et pourtant...)