Charles Bukowski – Un poème est une ville

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

un poème est une ville remplie de rues et d’égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, d’aliénés,
remplie de banalité et d’ivrognerie,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville qui demande pourquoi à une horloge,
un poème est une ville en flammes,
un poème est une ville en armes
ses salons de coiffure pour hommes remplis d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
le long des rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit, et pourchassent
le drapeau ; un poème est une ville de poètes,
la plupart assez semblables
et envieux et aigris…
un poème est cette ville maintenant,
à 50 miles de nulle part,
à 9H09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas d’amoureux, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
funèbre sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes de roche dure,
l’océan comme une flamme de lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue des vitres brisées…
un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde…
et maintenant je fourre ceci sous verre
pour l’examen minutieux de l’éditeur fou,
et la nuit est partout
et de pâles dames grises se tiennent en file,
un chien suit un chien jusque l’estuaire,
les trompettes appellent le gibet,
alors que de petits hommes glosent sur des choses
qu’ils ne peuvent pas faire.
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Charles Bukowski (1920-1994) – Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines (The Days Run Away Like Wild Horses Over the Hills, 1969) – Traduction de Éric Dejaeger