Montebourg, PSA et comment sauver l'automobile.

Publié le 27 juillet 2012 par Juan
Comme convenu, Arnaud Montebourg a présenté son projet de plan de soutien à l'automobile, mercredi 25 juillet. Le jour même où PSA tenait un comité d'entreprise pour confirmer les annonces de suppressions de 8.000 postes. Dans quelques rues de Paris, des salariés de PSA étaient là pour protester.
1. En matière d'affichage, le gouvernement Ayrault a fait aussi bien sinon mieux que son prédécesseur Sarkozy/Fillon: (1) un entretien du PDG de Peugeot avec François Hollande, (2) un autre avec le premier ministre, (3) un plan de soutien/reconversion pour le secteur. Est-ce suffisant ? Non. Un sondage - encore un - semble montrer que l'opinion lui en est gré.
En janvier 2010, Nicolas Sarkozy était bravache sur TF1: « convenez le plan que nous avons mené a sauvé l'industrie automobile français ». En 2009, contre l'avis du gouvernement, le parlement avait durci le petit décret contre les bonus des patrons des secteurs bancaires et automobile, en élargissant ces restrictions à tous les sous-traitants de l'automobile et aux entreprises aidées par le Fonds stratégique d'investissement.
2. Le plan Montebourg est un premier pas essentiel, même insuffisant. Quand Sarkozy était président, il y a peu, une éternité, son plan de relance de 2009 avait gravement négligé les contre-parties, une véritable occasion manquée. Un temps dopé par le bonus-malus du ministre Jean-Louis Borloo au début de 2008, le secteur avait plongé le premier dès le déclenchement de la Grande Crise à la fin de l'année. L'affaissement du pouvoir d'achat et le resserrement des conditions de crédits de l'automne avaient eu raison d'un secteur sous pression. Le plan Montebourg est encore provisoire mais il contient pas mal de points essentiels:
- une mission confiée à Louis Gallois (nouveau commissaire général à l'investissement chargé du Grand emprunt), sur la compétitivité industrielle,
- un renforcement des bonus écologistes: le plafond du bonus relatif aux véhicules électriques porté de 5.000 € à 7.000 € ; celui relatif aux véhicules hybrides doublé (à 4.000 €), et ouvert aux véhicules de sociétés.
-  La réservation de 25 % des nouveaux véhicules de l'Etat aux modèles électriques ou hybrides (« tout nouveau véhicule à usage urbain sera électrique »). Pourquoi seulement 25% ?
- une accélération - non chiffrée - de l’implantation de bornes de recharge des véhicules électriques et hybrides rechargeables en France.
- la promotion (non détaillée) « l’industrie de la déconstruction et du recyclage » , à travers une politique d’agrément ambitieuse.
- la création d'un institut de recherche technologique dédié à l’automobile « avant fin 2012 ».
- la réorientation de 400 M€ des bénéfices du crédit impôt recherche vers la « localisation en France de l’innovation » et de 350 M€ des investissements « d’avenir » sarkozyens lancés en 2009 vers « le véhicule de demain ».
-  un soutien à la sous-traitance via OSEO (+150 M€ pour la trésorerie des PME, +450 M€ pour des « financements dédiés à la modernisation des sites et à l’investissement industriel »).
3. Le plan Montebourg oublie les énergies alternatives (GPL, GNV, bioéthanol E85) et le transport collectif.  Il préfère miser sur la « voiture propre et populaire, accessible à tous », un slogan qui sonne comme une réactualisation du mythe des 30 Glorieuses.
4. PSA est victime de la crise et de l'austérité.
Le groupe automobile a annoncé plus de 800 millions d'euros de pertes au premier semestre, et détaillé les motifs des 8.000 suppressions de postes. « Nous faisons face à une dégradation de grande ampleur et durable du marché européen » a publiquement déclaré Philippe Varin. Et de préciser ensuite l'ampleur d'un effondrement que l'on connaît. La crise est là, et PSA n'est sans doute qu'une victime plus fragile que d'autres dans le secteur. En d'autres termes, l'austérité généralisée qui frappe la zone euro - avec la baisse de pouvoir d'achat des ménages et la quasi-fermeture des marchés exports - a privé le groupe de débouchés et de croissance.
5. Il faut mettre PSA sous tutelle. On a beaucoup reproché à l'administration Sarkozy d'avoir octroyé un shoot subventionnel nécessaire au secteur automobile sans aucune contrepartie. En d'autres termes, Sarkozy s'était couché devant le chantage à l'emploi. Cette fois-ci, le groupe PSA pose à nouveau un triple problème politique:  (1) il bénéficie d'aides publiques (défiscalisations locales, subventions à l'emploi, etc) et en réclame encore de nouvelles aides publiques; (2) il produit des voitures qui polluent bien trop, (3) l'avenir de l'automobile est en jeu.
« PSA Peugeot Citroën a demandé des aides publiques pour l'aider à pérenniser son usine de Sevelnord (Nord), deuxième site du groupe le plus menacé après celui d'Aulnay-sous-Bois ». La révélation a fait l'effet d'un choc, lundi dernier. C'était l'habituel chantage emploi/subvention. A Sevelnord, PSA emploie 2.700 personnes, et négocie un accord de flexibilité en échange de l'attribution à l'usine de la production d'un nouveau véhicule issu de son nouveau partenariat avec Toyota. Rappelons que le directeur des marques de PSA, Frédéric Saint Geours, est également président de l'UIMM. Pour la pérennité du site, l'entreprise demande 42 millions d'euros d'aides.
6. L'avenir de l'automobile est de toute façon compromis. Les écologistes font valoir qu'il faut préparer l'après-pétrole. Qui pourrait proclamer le contraire ?
Jeudi 26 juillet, trois des quatre syndicats de l'établissement de Sevelnord d'Hordain ont finalement donné leur accord à un accord dit de compétitivité. « Cet accord, qui sera effectif à partir du 1er janvier 2013, prévoit un gel des salaires sur deux ans et une flexibilité accrue en fonction des cadences » regrette l'Humanité. « L'horizon s'éclaircit » se félicitait la Tribune. La formule est classique. Elle faisait partie du programme de Nicolas Sarkozy pour sa réélection. A Sevelnord, il y a une subtilité locale, relevée par notre confrère Slovar: « L'accord, que la direction aimerait voir signé avant la fin du mois pour une durée de cinq ans, n'entrerait en vigueur que si Sevelnord obtenait le K-Zéro, pour lequel l'usine est en concurrence avec le site de Vigo, en Espagne, où le coût du travail est inférieur d'un tiers.» Le K-zéro est un modèle utilitaire du groupe automobile.
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