Une Rose au paradis de René BARJAVEL

Publié le 30 juillet 2012 par Melisende

Une Rose au paradis

de
René BARJAVEL(Challenge Baby SF - 8/20)
France Loisirs,
1981, p. 217
Première Publication : 1981


Pour l'acheter : Une rose au paradis

René Barjavel, né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme)
et mort le 24 novembre 1985 à Paris, est un écrivain
et journaliste français principalement connu pour ses
romans d'anticipation où science-fiction et fantastique
expriment l'angoisse ressentie devant une technologie
que l'homme ne maîtrise plus.
Certains thèmes y
reviennent fréquemment : chute de la civilisation causée
par les excès de la science et la folie de la guerre,
caractère éternel et indestructible de l'amour (Ravage,
Le Grand Secret
, La Nuit des temps, Une rose
au paradis
). Son écriture se veut poétique, onirique et, parfois, philosophique. Il a aussi abordé dans de remarquables essais l'interrogation empirique et poétique sur l'existence de Dieu (notamment, La Faim du tigre), et le sens de l'action de l'homme sur la Nature. Il fut aussi scénariste/dialoguiste de films. On lui doit en particulier les dialogues du Petit Monde de Don Camillo.

Wikipedia
Les Chemins de KatmandouColette à la recherche de l'Amour Les Dames à la licorne Le Diable l'emporte L'Enchanteur La Nuit des TempsLa Peau de César Ravage Tarendol La Tempête

ne gigantesque manifestation réunit, place de la Concorde, des millions de femmes enceintes venues dénoncer les effets de la bombe U. Mais il est déjà trop tard... Le cataclysme se déclenche. La planète Terre est réduite à néant. Cependant, Lucie, l'une des manifestantes, échappe mystérieusement à la déflagration. Seize ans plus tard... Lucie vit avec son mari et ses enfants dans un univers étrange où le temps n'existe plus, où il suffit d'appuyer sur un bouton pour obtenir vêtements et nourriture. Que s'est-il passé ? Pourquoi ont-ils échappé au cataclysme ? Qui est l'énigmatique Monsieur Gé que les enfants assimilent confusément à un Dieu ?

ceux qui atterrissent sur ce blog pour la première fois, sachez que Monsieur René Barjavel est mon idole et que je donnerais tout pour avoir une machine à remonter le temps pour pouvoir le rencontrer et échanger avec lui. Bref, Une Rose au paradis est ma onzième (douzième si je compte ma très ancienne lecture du Grand Secret que je compte relire très vite) plongée dans le monde de l’auteur. Vous vous doutez bien que plus j’avance dans ma découverte, plus je redoute le faux pas et la déception. Ce titre (presqu’un des derniers écrits par Barjavel) ayant des échos mitigés, j’étais un peu hésitante. Mais comme pour Jane Austen, je devrais faire confiance à mon chouchou, lui aussi sait toujours me séduire, d’une façon ou d’une autre !
Une Rose au paradis ne restera pas dans mes grands favoris et ne sera pas une grande révélation, mais je suis heureuse de l’avoir découvert et satisfaite de ma lecture. L’intrigue et l’idée de base m’ont plu, la plume également. Je regrette juste la brièveté du texte qui ne permet pas de s’attacher vraiment aux personnages. Je suis restée assez spectatrice alors que j’aurais aimé vivre l’aventure aux côtés des figures mises en scène par Barjavel.
La quatrième de couverture reste assez vague et peu représentative… je me permets donc une petite mise au point personnelle.
On entre dans le texte par quatre chapitres (en moyenne deux pages chacun) qui présentent une famille dans une sorte de sanctuaire. Les deux jumeaux, Jim et Jif, ont 16 ans. Leur mère a découvert la relation incestueuse qu’ils entretiennent innocemment et est désespérée par la situation… Dans le chapitre 5, saut dans le temps, on retourne dix-sept ans en arrière et on découvre l’histoire de Lucie et Jonas, les deux futurs parents qui se rencontrent, s’aiment et sont choisis (ainsi que les jumeaux que portent encore la jeune femme), alors que la tension au sujet de la Bombe Universelle est à son comble, pour entrer dans l’Arche construite par Monsieur Gé. Ce sanctuaire artificiel a été conçu plusieurs centaines de mètres dans le sol pour sauvegarder la vie terrestre (des animaux, des plantes, des arbres… de chaque espèce, endormis) et le couple, alors que les bombes et les radiations ont détruit la planète. Mais voilà qu’un problème se pose…
Jif est enceinte mais l’Arche n’a pas été pensée pour accueillir et offrir de l’oxygène à un sixième humain (Monsieur Gé, les deux parents et les deux jumeaux sont les cinq premiers) alors que faut-il faire ? Tenter de remonter à la surface dès maintenant (alors que l’enfermement était prévu pour vingt ans pour limiter les risques de radiation) ou penser à l’avortement ? Les adolescents, nés dans l’Arche, ne savent même pas ce qu’est une rose alors le fait d’être enceinte et d’avorter… Quelle solution vont-ils adopter pour s’en sortir ?
Voilà un titre de science-fiction que je trouve intéressant pour les questions et réflexions qu’il apporte au fil des pages. Malgré tout, l’ensemble reste assez léger et peut aussi bien se lire comme un agréable divertissement ou se découvrir en creusant un peu plus loin. C’est d’ailleurs l’un des aspects récurrents de l’œuvre de Barjavel : là où certains ne voient que des histoires de gare simplistes, d’autres y trouvent des réflexions plus poussées. Ici, l’auteur revient sur le nucléaire, l’avortement, l’inceste, le meurtre… mais malgré la multitude de thèmes, le lecteur n’est pas noyé, tous sont bien abordés et traités. J’ai aimé les références au jardin d’Eden d’Adam et Eve, l’arche de Noé, le premier meurtre de l’humanité… Finalement, rien de neuf sous le soleil, mais Barjavel réutilise ces thèmes avec intelligence et les transpose dans cette France futuriste qui a du survivre à la fin du monde…
Dans la même veine, même si l’idée de l’Arche et sa composition peut paraître simple, c’est quand même sacrément bien pensé ; notamment le trou qui récupère les déchets et offre la nourriture (toujours la même chose depuis seize ans, du poulet rôti) et qui complique les choses au fil des pages, mais je n’en dis pas plus.
Outre les thèmes abordés par Barjavel, j’aime énormément le style de l’auteur. C’est à la fois drôle et grave, tendre et brutal… Barjavel c’est plein d’émotions en quelques mots et ça me transporte.
En revanche, je regrette un peu d’avoir vécu cette lecture en tant que spectatrice et non actrice. Contrairement à d’autres textes de l’auteur, je ne me suis pas assez attachée aux personnages pour vivre l’aventure avec eux. Je l’ai suivie avec plaisir mais tout de même avec une légère distance. Je ne sais pas comment l’expliquer… peut-être que la légère brièveté du texte est en cause puisqu’elle me laisse pas vraiment le temps de faire connaissance avec les personnages ? Je ne sais pas, mais en tout cas, j’ai beaucoup ri.
Et c’est l’humour que je retiendrai surtout d’une Rose au paradis. Je pense notamment aux passages ou Jim, très curieux, tente d’apprendre du vocabulaire mais difficile pour sa mère de se faire comprendre car l’adolescent ne connait rien ou que ce que l’Arche offre. Lucie n’a réussi qu’à apporter qu’un seul livre dans le sanctuaire - Les Fables de La Fontaine - donc Jim pense donc que tous les animaux parlent… Je pense aussi à Marguerite, le robot à quatre têtes créé par Jonas, car l’une des têtes, jalouse des trois autres, ne pense qu’à se trouver une jolie coiffe… ou encore la longue réflexion au sujet du temps qu’il faudrait pour obtenir une bonne mayonnaise (il n’y a rien de naturel dans l’Arche, donc pas d’œufs, pas d’huile…) pour accompagner ce satané poulet rôti !
Bref, j’ai ri plus d’une fois et c’est un bonheur !
Une Rose au paradis ne restera pas mon préféré de Barjavel mais j’ai passé un excellent moment avec les questions amenées par l’auteur et surtout, l’humour très présent. Un bon divertissement et de nombreuses réflexions si vous souhaitez aller un peu plus loin.
"Ils grandissaient dans l'Arche, ne connaissant rien d'autre que l'intérieur de l'Arche, et ne pouvant imaginer rien de plus. On ne construit un monde imaginaire qu'avec des matériaux pris dans le monde connu. L'imagination, c'est de la mémoire passée à la moulinette et reconstituée en puzzle différents. Un être humain qui aurait été élevé uniquement dans du rouge, derrière des vitre rouges, ne pourrait jamais imaginer le bleu. Et Jim et Jif, malgré tout ce que leur racontaient leurs parents, surtout leur mère, ne pouvaient se faire la moindre idée de ce qu'étaient l'extérieur, l'espace. L'Arche était leur univers, leur univers avait des dimensions précises, et une limite ronde : le mur dans lequel il était tout entier contenu."
"Jim, ravi, feuilleta le dictionnaire avec maladresse et hâte. Il parvint enfin au C.
- Caille-lait, caillette, caillot. Ah ! "Caillou : pierre de petite dimension..."
Il releva la tête, inquiet, demanda à sa mère :
- Qu'est-ce que c'est, une pierre ?
Mme Jonas haussa les épaules.
- Qu'est-ce que tu veux que ce soit ? C'est un gros caillou."
"
Quand on se croit obligé d'exprimer sa gratitude, on perd la moitié de sa joie."