Normalisation

Publié le 03 août 2012 par Toulouseweb
Imperceptiblement, Ryanair rentre peut-être dans le rang.
Voila qui mérite réflexion : Ryanair, enfant terrible du transport aérien européen, est peut-être en train de se banaliser sous nos yeux, dans certaines limites tout au moins. En effet, les résultats du premier trimestre de son exercice 2012/2013 font apparaître une progression du nombre de passagers de 6% «seulement», un niveau similaire à celui de la plus ordinaire des compagnies «classiques» membres de l’IATA. Qui plus est, le bénéfice net du trimestre est un recul de 29%, à 99 millions d’euros, ce qui est à peine honorable.
Il est dès lors indispensable de se pencher sur les comptes de la compagnie irlandaise qui continue de caracoler en tête du palmarès européen par le nombre de passagers transportés, en route vers les 80 millions par an. Or un examen attentif de ce résultat médiocre, tout au moins par comparaison avec des moments plus flamboyants, montre clairement qu’il s’agit sans doute d’un trou d’air momentané, et non pas de l’amorce d’un virage vers une quelconque normalisation.
Le renchérissement de la facture pétrolière de la compagnie correspond très exactement au recul de son bénéfice trimestriel, ce qui revient à dire que le renchérissement du kérosène n’a pas été répercuté sur les tarifs. C’est un choix stratégique honorable en même temps que coûteux, sachant que les grilles tarifaires de tous les concurrents, EasyJet en tête, se situent sans exception à un niveau nettement plus élevé. Le prix moyen du coupon Ryanair est en effet de 44 euros, à comparer à 78 euros pour EasyJet et beaucoup plus pour les autres intervenants. En d’autres termes, Ryanair aurait pu remonter davantage ses prix (elle l’a fait de 4%) sans rien perdre de ses avantages concurrentiels. Mais, le faisant savoir, elle parfait son image auprès de sa clientèle présente et future…
Michael O’Leary joue davantage la transparence que dans le passé. Commentant ces résultats, il reconnaît que la recette unitaire moyenne souffre non seulement d’un environnement économique maussade mais aussi d’opérations promotionnelles coûteuses qui accompagnent le lancement de nouvelles «bases» et de nouvelles lignes. Notamment, au cours de ces derniers mois, Billund, Budapest, Manchester, Palma. Certaines d’entre elles, par exemple Budapest et Varsovie, semblent d’ailleurs démarrer correctement uniquement grâce à des prix cassés. Il n’est pas question pour autant de ralentir le rythme des ouvertures. Ainsi, Ryanair prévoit de créer une base à Maastricht à la fin de cette année et deux autres dont les noms n’ont pas encore été divulgués.
Ce (relatif) passage à vide va-t-il se prolonger ? Le fait est que la progression de trafic attendue pour l’ensemble de l’année 2012/2013 est de 5% seulement. Mais ce serait le résultat de la déprime conjoncturelle, du manque de confiance des citoyens européens dans l’avenir et certainement pas d’un potentiel de croissance revu à la baisse. Qui plus est, Ryanair met en avant l’approbation de ses clients, avec un indice de satisfaction de 92% sur base d’un sondage auprès de 20.000 voyageurs. Ce qui n’exclut par pour autant que ces derniers choisissent de voyager moins fréquemment qu’ils ne pourraient le souhaiter parce que l’économie européenne est très souffrante.
Quoi qu’il en soit, Michael O’Leary, continue imperturbablement de dresser des plans sur la comète. Après les passagers voyageant debout et les toilettes payantes, il suggère que les avions soient dotés de portes plus larges permettant d’accélérer embarquement et débarquement des passagers. Il a choisi de poser la question à Comac, et non pas à Boeing, ce qui lui permet au passage de mettre davantage la pression sur son fournisseur américain. C’est aussi une manière de rappeler qu’il passerait volontiers commande d’avions chinois, une hypothèse qui n’est plus tout à fait extravagante. Il se passe constamment quelque chose du côté de Ryanair…
Pierre Sparaco - AeroMorning