La nuit du 4 août 1789 (extrait du roman "Echec au Roy")

Publié le 05 août 2012 par Fkuss

En ce matin du 5 août 2012, et pour finir de vous donner envie de lire Echec au Roy, je vous livre une des dernières scènes de mon roman. Aprés la description des Etats Généraux, du Serment du Jeu de Paume ou de la Prise de la Bastille, voici celle que je fait de la Nuit du 4 août 1789, la nuit de l'abolition des "privilèges".

Bonne lecture et si vous voulez allez plus loin, n'oubliez pas que vous pouvez commander partout Echec au Roy mais avant tout ici ;-)

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Dans la salle des Menus Plaisirs, Mirabeau, La Fayette, Robespierre, Sièys, Bailly, tous observaient médusés la scène qui se jouait en cette nuit du quatre août un peu à la manière de jacques qui, de l’abyme de leur famine, auraient vu tomber du ciel des perdrix toutes rôties. La Nation assemblée débattait des attaques des seigneuries qui se multipliaient, des nobles et des aristocrates que le peuple menaçait ouvertement du châtiment du « réverbère » lorsque soudain, montant à la tribune, le Vicomte de Noailles prit la parole.

La nuit avait été longue, et les discours, à l’ombre étouffante des brocarts et des tapisseries, tantôt disputant sur des riens, tantôt sur les insurrections qui enflammaient les provinces, avaient surchauffé l’ambiance déjà torride de ce mois d’auguste. Le Vicomte leva le bras gauche pour attirer l’attention des députés les plus bavards, patienta quelques instants, emplit ses poumons et d’une voix forte, il balaya l’ordre ancien. « Je propose que l’Assemblée Nationale proclame l’égalité devant l’impôt et l’abolition de tous les privilèges ! ».

Le temps de dire ces mots, il sembla à chacun que de cette seconde jaillit l’avenir. Les applaudissements, les cris, les larmes fusèrent. Saoulé de paroles fraternelles, un cortège de surenchères envahit la tribune. L’Eglise d’abord, par les voix de cardinaux, d’évêques et de vicaires, renonça à ses biens pour les rendre à la Nation. Les aristocrates, épées à la main dans une ultime geste chevaleresque, abandonnèrent l’exclusivité des charges publiques et des grades, on proposa l’abolition de l’esclavage, et tous firent chœur pour vouer aux gémonies les droits seigneuriaux, les corvées, les mainmortes, la dîme et autres survivances de la féodalité.

Comme l’avait ressenti Pierre, la nuit était sans pareille. Quelques jours plus tôt, ayant fait tomber cette effroyable Bastille qui ne se relèverait jamais, la pique était devenue, dans les rues de Paris puis dans toute la France, le signal de la liberté. En écho, l’instant présent, si frêle, si fugace, étincelait de cette naissance d’un nouveau monde, environnant l’air de Versailles d’un sentiment rare. La fraternité, ce zéphyr si doux, se déploya dans l’univers. Telle l’alouette filant vers le ciel, ce souffle encore fragile sortait des ténèbres et gagnait l’azur.