Quand les taux d'intérêt réels deviennent négatifs...

Publié le 06 août 2012 par Raphael57

Nous allons nous concentrer dans ce billet sur les taux d'intérêt à long terme. Commençons alors par regarder le graphique ci-dessous, qui présente l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt à 10 ans aux États-Unis :

[ Source : Natixis ]

On constate que sur la période récente, l'inflation est devenue supérieure aux taux d'intérêt à long terme. Les économistes disent alors que les taux d’intérêt réels à long terme sont devenus négatifs (pour simplifier, taux d'intérêt réels = taux d'intérêt nominal - inflation). Qu'en est-il en Europe ?

[ Source : Natixis ]

L'Allemagne est donc dans le même cas que les États-Unis, tout comme la Finlande ou les Pays-Bas. Et la France ?

[ Source : Natixis ]

Dans notre pays, les taux d'intérêt réels à long terme sont donc sur le point, eux aussi, de devenir négatifs.

Quel est l'impact des taux d'intérêt réels à long terme négatifs ?

Pour l'emprunteur à taux fixe, cela favorise le désendettement, surtout lorsque l'on se souvient que le taux d’endettement des ménages + entreprises atteint 140 % du PIB aux États-Unis et plus de 200 % au Royaume-Uni. Cet avantage est également important pour les pays dont la dette publique est très élevée.

Néanmoins, une telle situation peut a contrario décourager les prêteurs, c'est-à-dire ceux qui souhaitent acheter des obligations publiques ou privées. En effet, quel "intérêt" financier auraient-ils à prêter si leur pouvoir d'achat baisse ? 

Pourquoi les taux d'intérêt réels à long terme sont-ils devenus négatifs ?

Avec la crise et plus précisément la peur d'un défaut de certains pays de la zone euro, les investisseurs ont pratiqué le fly to quality, c'est-à-dire la recherche de valeurs refuge où investir leur argent. Cette demande massive, conjuguée aux achats de dettes publiques par les Banques Centrales aux États-Unis et au Royaume-Unis (l'encours de dette publique détenue par la FED est ainsi passé de 500 milliards de dollars en 2009 à près de 1 700 milliards aujourd'hui !), a conduit à une baisse des taux d'intérêt à long terme à des niveaux inférieurs à l'inflation.

Complément

Ce que nous venons de dire s'applique au marché secondaire, là où sont échangés des titres financiers déjà émis. Mais depuis quelques temps, on voit apparaître des taux d'intérêt négatifs sur le marché primaire des obligations (notamment le Bubill allemand 6 mois), c'est-à-dire le marché des titres financiers nouvellement émis. Comment est-ce possible ? Qu'est-ce que cela signifie ?

En pratique, cela correspond à la situation où les investisseurs acceptent de prêter des fonds à un État en perdant de l'argent au passage ! Dit autrement, ils acceptent de payer pour prêter (sic !). L'explication est à cherchée du côté de la crise de la zone euro une nouvelle fois : si les investisseurs craignent une explosion de la monnaie euro, ils placeront leurs fonds dans un pays réputé sans risque, le but en période de crise n'étant plus d'obtenir un retour sur investissement, mais un simple retour de leur investissement déjà !

Pour aller au bout du raisonnement, si les investisseurs sont prêts à perdre de l'argent pour détenir de la dette allemande (par exemple), c'est parce que d'une part ils peuvent utiliser ces obligations allemandes comme une excellente garantie (on dit également collatéral) pour se refinancer auprès de la BCE... et si d'aventure la zone euro devait se déliter, un retour au Deutschmark verrait très certainement cette monnaie s'apprécier par rapport à l'euro et aux autres devises, ce qui entraînerait un gain pour les investisseurs.

En définitive, les situations évoquées ci-dessus, loin d'être rassurantes comme semblent le penser certains médias, sont plutôt le signe d'une dégradation profonde de la confiance au sein de la zone euro. Et peut-être, mais j'espère avoir tort, le signe avant-coureur de l'explosion de l'euro...