Zzzzzzzz

Publié le 09 août 2012 par Alain Dubois

La transition des parties à l’argent (cash games) vers la formule tournoi est probablement un ajustement spontané de l’écosystème du poker en ligne. Le phénomène est constaté en France, quoiqu’encore modeste. Il est beaucoup plus marqué en Italie où la clientèle s’est initiée au poker en ligne en étant forcée de ne jouer que des tournois, d’où une résistance probablement moindre à délaisser les parties en argent. Si c’est vraiment un ajustement spontané, il va certainement se produire partout. Alors, comment un site étatique peut-il en profiter?

Connaître la ou les raisons de cette transition aiderait grandement à prévoir comment s’ajuster. Malheureusement, l’industrie du jeu témoigne d’une aversion à l’égard des scientifiques … surtout s’ils ont déjà intégré à leurs raisonnements le concept de santé publique. L’AAMS et l’ARJEL n’endossent pas autant le culte du secret. Mais, leurs données restent insuffisantes.

Cela demeure une opinion de chercheur en psychologie : la motivation principale de la transition réside plausiblement dans le désir des joueurs récréatifs, qui aiment vraiment le poker, de se confronter à chances égales (outre le talent) avec des partenaires humains, qui aiment tout autant le poker, plutôt qu’à des robots ou des vautours dont la performance est dépendante de l’utilisation unilatérale de logiciels d’aide à la décision. Il est certain que l’ajustement doit être centré sur celui qui sort un dollar de sa poche pour jouer plutôt que sur celui qui essaie de jouer avec le dollar des autres. Dans ce contexte, il s’agit du joueur récréatif qui aime le poker … plus pour le poker que pour l’argent.

Chez EspaceJeux, on est à des années-lumière de ce contexte. Par exemple, plutôt que de construire un palmarès des joueurs habiles au poker, la formule du tableau des meneurs met plutôt l’emphase sur ceux qui dépensent le plus. Cette approche est fondée sur le postulat qu’il faut récompenser impérativement le joueur qui joue le plus avec l’argent des autres (un gros payeur de commission) car ce serait lui qui attire les joueurs récréatifs (ceux qui sortent véritablement de l’argent de leur poche). Présentement, la transition des parties à l’argent vers les tournois défie ce crédo.

Quand EspaceJeux remplit la loge corporative qu’elle possède au Centre Bell (pour voir jouer au hockey les Canadiens de Montréal) avec ses gros payeurs de commission, elle récompense des gens qui nuisent plausiblement à l’expérience récréative des joueurs qui sortent réellement un dollar de leur poche.

On ne reviendra pas sur le problème posé par l’utilisation incontrôlée des logiciels d’aide à la décision. L’obstacle reste majeur. Il existe plusieurs autres aspects du jeu sur EspaceJeux qui témoignent d’un préjugé contreproductif favorable au vautour plutôt qu’au bénéfice du joueur récréatif. Et cela va continuer! Le projet d’un enregistrement tardif (voir commentaire 19) promet d’amenuiser encore plus la liberté du joueur récréatif de choisir, de manière éclairée, les tournois auxquels il participe.

Parmi les aspects actuels du jeu qui détruisent considérablement l’expérience récréative du joueur, il y a la possibilité de jouer plusieurs parties en simultané (ce que plusieurs désignent par l’expression multitabling). Même équipé au maximum des logiciels disponibles, plusieurs vautours ne parviennent pas à obtenir plus qu’un avantage minime, vraiment minime. Pour obtenir un revenu autre qu’insignifiant, il leur faut jouer un grand nombre de tournois ou de parties en simultané. Pour le joueur récréatif, ce comportement des vautours a deux conséquences irritantes. Le vautour, qui se disperse trop, tarde à annoncer ses décisions. Cela ralentit le jeu au point d’en devenir ennuyant, endormant, désagréable et surtout préjudiciable. Et, si le vautour est vraiment débordé, le chronomètre termine le décompte et le joueur est déclaré temporairement absent. En tournoi multitables, quand à une table de 10, il y a 3 ou 4 vautours qui agissent ainsi, le joueur récréatif devient désavantagé car son solde de jetons croît moins rapidement qu’un autre joueur participant à une table où tout le monde est continuellement actif et où les perdants sont plus souvent remplacés par des joueurs qui apportent une nouvelle provision de jetons. Les vautours créent alors une inégalité entre les joueurs qui désavantage dès le départ du tournoi. Aucun joueur récréatif ne veut payer pour de telles sangsues.

Pour l’instant, l’ajustement spontané de l’écosystème incite plausiblement les joueurs récréatifs à transiter vers les tournois où les vautours ont moins d’emprise. Une gestion éclairée conseille de renforcer les obstacles pour empêcher que les vautours se rabattent là où les joueurs récréatifs cherchent refuge.
Dessin : Snapperhat