Espagne : 3 € de taxe pour apporter son « panier-repas » à la cantine scolaire !

Publié le 13 août 2012 par Kamizole

Vae victis ! Vae pauperis ! Rien de bien surprenant au demeurant en ces temps de crise gravissime, le « maux » d’ordre de l’ultralibéralisme dominant étant de surcroît « les pauvres doivent payer ». En n’ayant garde d’oublier qu’aux Etats-Unis une des premières décisions de Ronald Reagan lorsqu’il prit ses fonctions en janvier 1981 fut de supprimer les aides fédérales accordées aux enfants les plus pauvres pour les repas dans les cantines scolaires…

En dépouillant quelques articles sur le sujet, je constate que la légende de la photo accompagnant l’article du Républicain Lorrain Espagne : double punition à la cantine (13 août 2012) qui m’apprend que « les aides publiques à la restauration scolaire fondent comme neige au soleil » est fort différente de celle illustrant l’article du Figaro Espagne : vers une taxe sur les paniers-repas à l’école(12 août 2012) : « La cantine de l'école coûte cher dans cer-taines régions d'Espagne »… En l’occurrence nul « choc des photos » mais « le poids des mots » reflète les différences idéologiques.

Je découvris cette stupéfiante information sur Le Point Espagne : les élèves autorisés à apporter leur repas… à condition de payer  (12 août 2012) en même temps que j’ouvris un autre article sur l’Espagne - tout aussi révélateur de l’ampleur de la catastrophe sociale et qui fait l‘objet d‘un autre article sur le blog (je ne voulais pas faire trop long) - Espagne : des pillages de supermarchés au nom de la crise (Le Point 10 août 2012).

« L’art de plumer la volaille sans qu’elle criaille » ? Dixit Colbert qui s’y entendait… Pas vraiment à lire ne serait-ce que le titre de 20 Minutes Espagne : taxer les élèves apportant leur repas, une idée qui scandalise (12 août 2012). Sans nul doute l’un des plus complets avec celui du Républicain lorrain. Une telle mesure soulève l’indigna-tion de l’opposition de gauche et des associations de parents d’élèves. Jesus Maria Sanchez, président de la Confédération espagnole des associations de pères et mères d’élèves (Ceapa) ne s’y trompe d’ailleurs pas : « Inadmissible !  (…) ce qui se cache derrière, c'est la volonté d'en finir avec les aides publiques fournies aux élèves qui en ont besoin et le démantèlement de l'école publique ».

C’est l’évidence même puisque « La région de Madrid reconnaît que ses bourses pour la cantine vont passer de 29 millions d'euros pour l'année 2011-2012, à 16 millions d'euros pour la prochaine année scolaire ». Alors que « Le gouvernement de Catalogne a annoncé fin 2011 qu'il réduisait de 3,7 millions d'euros sa contribution aux aides à la restauration scolaire. Cette région, où le repas quoti-dien est l'un des plus chers (jusqu'à 6,20 €), a annoncé la première qu'elle ferait payer jusqu'à 3 euros l'accès au réfectoire».

Cependant, la Région de Valence prétend que « malgré les coupes budgétaires » elle entend maintenir cette aide qui représente « l’un des investissements les plus importants de la région : plus de 70 millions annuels et 80.000 élèves bénéficiant d’une aide à 100 % ». Il s’agirait de « soutenir les 50 % d’élèves qui n’ont pas de bourse et dont les parents veulent faire des économies sur un repas qui coûte 4,25 € par jour, la participation envisagée ne devant pas dépasser 1,45  »…

Miquel Soler, un responsable socialiste de la région de Valence n’y croit pas plus que la Ceapa : « le gouvernement attaque les secteurs les plus défavorisés et ne protège absolument pas les principes de base comme garantir que personne n'abandonne les études pour des raisons économiques ».

Or donc et jusqu’à présent - sauf cas de régime médical particulier ou allergies alimentaires - les enfants n’étaient pas autorisés à manger dans les cantines scolaires un panier-repas confectionné chez eux et selon Ignacio Gago Fornells, porte-parole du ministère de l'Education de la région de Madrid « Ce qui va se faire, c'est permettre aux centres scolaires de donner leur feu vert à l'entrée des tupperware à l'école »… La participation des parents - qui pourra aller jusqu’à 3 € ! - étant destinée selon les promoteurs du projet à « couvrir les frais d'entretien et de surveillance du réfectoire »… Drôlement chérot.

C’est qu’il y a sacrément du monde à plumer dans la seule région de Madrid puisque « environ 40% des 324.000 élèves des 791 écoles publiques sont rentrés déjeuner chez eux durant l'année 2011-2012. L'idée, selon ces régions, est donc de permettre aux parents d'économiser en ces temps de grave crise et de chômage record qui touche un actif sur quatre »…

« Economiser en payant plus » ? Du grand art dans l’antiphrase ! Il restera que sauf à décréter la cantine obligatoire, les parents qui n’ont pas les moyens en même temps de nourrir leurs enfants et de payer cette taxe disposeront toujours de la faculté de les faire revenir chez eux pour le déjeuner.

De surcroît, les adversaires du projet dénoncent les conséquences du panier-repas en termes de santé. Selon Jésus Maria Sahchez il pose un double problème : « la conservation des aliments et l’obésité chez l’enfant ». Craintes partagées par des membres du corps médical, telle le Dr Maria Isabel Lopez Diaz-Ufano, de la Semergen, une organisation des médecins « Je ne crois pas qu'il y ait la possibilité de conserver les aliments réfrigérés dont a besoin un enfant en pleine croissance »… autrement dit, les enfants paieront jusqu’à 3 € sans même avoir le droit de déposer leur sac dans une enceinte réfrigérée. Bonjour « la rançon » contre les pauvres !

Elle souligne par ailleurs le risque « de repas facile comme le sandwich, mettant en garde contre ce repas déséquilibré et dangereux, soulignant la prévalence en termes d'obésité juvénile en Espagne ». En effet, selon une étude européenne publiée en mai par l’Université de Saragosse « 34% des enfants espagnols âgés de 10 à 12 ans sont en surpoids et parmi eux, 8 % sont obèses (…) mettant l’Espagne au-dessus de la moyenne européenne en terme de surpoids (30 %) en deuxième position ex-aequo avec la Slovénie, toutefois derrière la Grèce (50 % en surpoids et 20 % d’obèses) qui détient le - triste - record européen.

Mais comment s’en étonner ? Certes, l’obésité ne frappe pas seulement dans les milieux défavorisés car elle peut également être la conséquence de ce que l’on nomme « grignotage » avec des enfants ou des ados puisant à volonté et à n’importe quelle heure dans le frigo, l’aggravant pas des sodas trop riches en sucre, etc. Sans oublier les burgers et autres produits du même genre dans la restauration rapide. Gras à souhait.

Mais nous savons depuis la grande dépression de 1929 et les années qui ont suivi que parmi la multitude de chômeurs ne disposant que de très faibles revenus un grand nombre devinrent gros sinon obèses pour une raison évidente : ils choisirent de préférence les aliments les moins chers et les plus bourratifs : pâtes, riz, etc. Le même phénomène a d’ailleurs été constaté à moult reprises en France depuis plus de dix ans. Je n’ai pas le temps de me replonger dans mes nombreux dossiers d’archives sur le problème de la « malbouffe des pauvres » mais j’ai le parfait souvenir de mères de famille désolées de ne pouvoir acheter de fruits et de légumes « trop chers » !