La liberté fait toute la différence

Publié le 20 août 2012 par Copeau @Contrepoints

Pendant une visite en Israël, Mitt Romney a commis une déclaration polémique sur les Palestiniens. Et en plus, il avait tort. Dans le développement d'un pays, ce n'est pas la culture qui fait toute la différence, mais les institutions favorables à la liberté.
Par Jacob Sullum, depuis les États-Unis.

Les leaders palestiniens se sont sentis insultés, on peut le comprendre, quand Mitt Romney, remarquant l’importante différence de richesse entre Israël et la Cisjordanie pendant un discours à Jérusalem fin Juillet, a déclaré « La culture fait toute la différence ». Même si la culture joue un rôle important dans le développement économique, le probable candidat républicain à la présidence a oublié une autre variable clé : la gouvernance.

Une bonne gouvernance établit des conditions qui conduisent à la production, à l’innovation et au commerce. Je ne parle pas des routes, des ponts et des écoles publiques mentionnés par le président Obama dans le speech où il affirmait « vous ne les avez pas créés ». [NdT : En anglais, « you didn’t build that », une phrase qui a beaucoup choqué et qui est depuis devenue un objet de dérision sur Internet] Je parle d’infrastructures bien plus basiques : le règne du droit, la protection des droits de propriété, la bonne exécution des contrats, un État honnête et ouvert, un niveau tolérable d’imposition, et un minimum d’interférences avec les opérations réalisées entre adultes consentants.

Quand l’État bafoue ouvertement ces principes, les gens ne prospèrent pas, peu importe qu’ils valorisent l’éducation, qu’ils travaillent volontiers, qu’ils veuillent prendre des risques ou qu’ils soient disposer à épargner et à investir. En fait, un État oppressif et arbitraire change la culture de ses sujets, en rendant ces caractéristiques moins fructueuses et donc moins communes.

Quand Romney a dit « la culture fait toute la différence », il citait Richesse et pauvreté des nations, un livre de l’historien David Landes paru en 1998. Ailleurs dans le même livre, Landes est moins catégorique, écrivant « la culture peut faire toute la différence » (c’est nous qui soulignons), et avertissant que « la culture n’est pas isolée ».

Quoi d’autre peut faire une différence ? Landes est assez clair sur le fait que les limites de l’État sont essentielles. Quand il écrit que « la force motrice » du progrès économique durant le dernier millénaire « a été la civilisation occidentale et sa dissémination », il faisait allusion non seulement à ses valeurs culturelles comme l’épargne, la concurrence, l’égalité des sexes ou l’éthique protestante du travail, mais aussi aux valeurs politiques qui empêchent l’État d’étouffer les efforts créatifs.

Saeb Erekat, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas, soulignait l’importance des institutions politiques quand il s’est plaint que Romney « ne réalise pas que l’économie palestinienne ne peut pas atteindre son potentiel à cause de l’occupation israélienne ». Les points de passage israéliens, le contrôle du commerce extérieur, et son interférence avec l’utilisation du terrain, même s'ils sont justifiés par des préoccupations de sécurité légitimes, ont sans nul doute gêné le développement économique dans le territoire administré par l’Autorité Palestinienne, mais il en va de même du passif de ladite Autorité pour ce qui est de la corruption et de l’incompétence.

Ces facteurs, ajoutés à la violence intermittente, expliquent en bonne partie la différence énorme en PIB par habitant entre Israël et la Cisjordanie (que Romney avait d’ailleurs sous-estimé par un facteur cinq) : 28.600 dollars contre 2.900, selon les chiffres de 2009 de la CIA. Il y a aussi un écart frappant, quoique moins spectaculaire, entre Israël et les pays arabes limitrophes. Selon les estimations pour 2011 de la CIA, le PIB pas habitant était de 31.400 dollars pour Israël, 15.700 pour le Liban, 6.600 pour l’Égypte, 6.000 pour la Jordanie et 5.100 pour la Syrie.

Une interprétation de ces données (et c’est cette interprétation que Erekat avait en tête quand il a qualifié les remarques de Romney de « racistes ») est que les Arabes seraient fainéants, alors que les Juifs seraient doués avec l’argent. Et pourtant, les Arabes excellent économiquement dans les pays qui ont des gouvernements stables respectant les droits individuels et le règne du droit. Aux États-Unis par exemple, les foyers des Américains d’origine arabe sont plus aisés que la moyenne.

Un même modèle se voit parmi les Chinois qui, observe Landes, « ont été longtemps tellement improductifs chez eux et pourtant si entreprenants à l’étranger ». La Région Spéciale Administrative de Hong Kong, où règne le laissez-faire et qui a un PIB par habitant de près de 50.000 dollars, contre 8.500 pour le reste de la Chine, montre que ce n’est pas la distance qui compte, mais les règles du jeu. De même, en Allemagne de l’Est le PIB par habitant était environ la moitié de celui de l’Allemagne de l’Ouest avant la réunification, et le rapport entre Corée du Sud et Corée du Nord est de 18 fois.

La culture importe, mais ces exemples démontrent que ce sont les institutions qui sont cruciales. Si vous comparez les PIB par habitant aux appréciations données par le rapport annuel Freedom in the World édité par Freedom House, ou avec l’index de liberté économique de la Heritage Foundation, vous verrez clairement que pauvreté et tyrannie vont de pair. Peut-être Romney aurait-il dû dire « La liberté fait toute la différence ».

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Publié sur Reason.com le 01.08.2012 sous le titre Freedom Makes All the Difference.
Traduction : Benjamin Guyot pour Contrepoints.