Fol espoir

Publié le 03 septembre 2012 par Ladytelephagy

"La folie, c'est se comporter de la même manière et s'attendre à un résultat différent".
Une définition qui ressemble un peu à un season premiere de Doctor Who depuis l'arrivée d'Eleven (et Moffat).
Ce n'est pourtant que la deuxième saison de Doctor Who que je suis en direct du Royaume-Uni, puisque j'ai découvert la série en novembre 2010 (et que je me suis fait les 5 premières saisons en un mois). Mais déjà, la saison 5 était une grosse déception. A un tel point que j'avais hésité à reprendre la série au moment de la saison 6. Pourquoi ne pas préférer de m'en tenir là ? Ce n'était plus la série qui m'avait rivée à mon écran pendant un mois, alors pourquoi revenir ?
Je vais vous dire ce qui m'a fait revenir : l'expérience collective de Doctor Who. Ou, en des termes moins choisis : la pression sociale. D'abord parce que lorsque j'avais découvert la série (avec du retard, donc), j'avais aussi eu l'occasion de découvrir que les Whovians sont des téléphages très impliqués, comme souvent quand il s'agit de série de science-fiction, mais que voulez-vous, on n'a plus beaucoup de séries de science-fiction. Beaucoup d'entre eux avaient accompagné mes visionnages, soutenue alors que dans les premiers épisodes, je traînais la patte, et encouragée à continuer, ou apporté des éléments pour me donner des points d'horizon. Et forcément, ça galvanise. Mais il y avait aussi le fait que pour la première fois, j'avais l'opportunité de suivre les nouveaux épisodes de Doctor Who au même rythme qu'eux, lisant leurs reviews, échangeant sur Twitter des impressions, et c'était une sorte de cercle vertueux. Je voulais vivre ça parce que, eh bien, je ne le vis pas pour tant de séries que ça.
Entre les deux morceaux de saison 6, même réaction. Et par un étrange phénomène, j'étais d'autant plus découragée par la qualité de la série (qui me semblait manquer dramatiquement de coeur et faire pas mal d'esbroufe) que j'étais enthousiasmée à l'idée de partager ce rythme de visionnages avec les fans de la série. Même négative envers Eleven (et Moffat), j'avais envie de faire partie de ce phénomène parce que quand je m'enthousiasme pour House of Lies ou Cloudstreet, bah, je me sens parfois un peu seule. A l'époque de la social TV, c'est tout de même un peu triste...
Mais là, depuis des mois, je voyais ma timeline inondée quotidiennement de promotions plus ou moins voilées : une déclaration de Moffat ici, une confidence de départ de Karen Gillan ici, le lendemain une photo de tournage, le surlendemain des posters ou je sais pas quoi... je n'en pouvais plus. Or, quand on a fourni un season finale aussi pourri que celui de la saison 6 de Doctor Who, on ne se fait pas trop remarquer et on arrête de faire le malin. Au contraire, pn se fait tout petit, on révise ses classiques, et on réapprend ce que c'est que l'émotion. Mais au contraire, tous les jours, du Doctor Who. Là, je m'étais juré que j'en avais fini avec cette série. Nan mais quand même, faut pas pousser, quoi. On a sa dignité.
Et les videos "Pond Life" ? Même pas en rêve que j'allais y toucher. De toute façon, c'est même pas canon. Pis ya rien qui m'énerve plus que ce genre de techniques qui consiste à diffuser des videos sur un autre media, non pour élargir l'histoire, mais simplement pour faire office de teaser. Je vous préviens, je regarderai pas "Pond Life" ! Même pas en rêve ! Et faudra me demander très gentillement pour le mettre devant le season premiere de la saison 7 ! Nan mais !
Voilà donc j'ai regardé Asylum of the Daleks, hein, bon, ça arrive, je pensais lancer le huitième Sullivan & Son, mon doigt a rippé, l'accident bête, ça peut arriver à tout le monde.
Donc, verdict. Avec quelques spoilers probablement, si vous n'avez pas vu l'épisode considérez-vous prévenu.
Eh bah verdict, il y a de l'espoir. Pour la première fois depuis... possiblement depuis le départ de Ten, peut-être même celui de Nine... j'ai trouvé que Doctor Who était capable de mettre le doigt sur quelque chose de sincère.

Ce qui me manque terriblement dans Doctor Who depuis l'arrivée d'Eleven (et Moffat), c'est l'impression de souffrance. Je trouvais que Nine (et, dans une moindre mesure, Ten) avait cette immense force d'être très fragile.
Ce Docteur avait un côté un peu cyclothymique, avec des pics d'exaltation quasi-hystérique, et des affres de désolation, et je trouvais que ça donnait une profondeur et une complexité bienvenues à un personnage qui sans cela, aurait plus ou moins viré au demi-Dieu. Puisqu'il peut voyager dans l'espace et le temps, puisqu'il ne ressent bien souvent même pas la peur devant le danger, il faut bien qu'il y ait des choses sur lesquelles le Docteur n'ait pas de contrôle, et il me semblait qu'être victime de ses émotions était une façon très touchante de montrer que le Docteur a sans doute des tas de bons côtés, fait un très divertissant compagnon de voyages, mais ce n'est pas non plus une partie de rigolade tous les jours pour lui. Que le sens du danger et de l'aventure est une chose, mais que buter contre ses propres remords est autrement plus enrichissant. Que c'est ce qui fait la différence entre une série avec des rebondissements et des effets spéciaux, et une solide série de science-fiction. En interrogeant la nature du Docteur, par exemple au travers de sa capacité à haïr les Daleks (c'était le cas de l'épisode Dalek, justement) alors que le reste du temps, c'est un personnage tellement ouvert, curieux et désireux d'aller de l'avant, c'était infiniment plus enrichissant que de se faire retourner la tête avec des intrigues tordues. A l'inverse, on était aussi capable de lui découvrir des sentiments d'une pureté rare (on a pu le voir avec Rose) et c'était là encore bien plus exaltant de voir toutes les nuances de ce Docteur-là, que de le placer face à des périls invraisemblables. La régularité avec laquelle nous avons eu l'opportunité d'explorer les abimes sombres de l'âme du Docteur comme leur versant a varié au cours des saisons de Nine et Ten, mais elle faisait la véritable richesse de Doctor Who de mon point de vue (le point de vue de quelqu'un qui préfère le drama et qui a toujours considéré que la science-fiction ne devait jamais être autre chose qu'une métaphore de l'humain).
Mais depuis l'arrivée d'Eleven (et Moffat), la proportion s'est inversée. Déjà parce que les sentiments sont devenus l'exclusivité des Companions Amy et Rory. En investissant le terrain de l'émotionnel, ils ont par effet de contraste réduit le Docteur à un clown ; obligé de servir d'ambigu faire-valoir à leur relation amoureuse ou d'arbitrer leurs disputes, il ne revêtait plus aucun intérêt dramatique par lui-même. Et quand c'était le cas, c'était toujours à travers des faux-semblants. Ainsi, là où l'intrigue de Demon's Run aurait dû marquer un tournant et une prise de conscience, nous avons eu droit à un bête artefact scénaristique qui n'a connu aucune sorte d'impact sur la personnalité du Docteur. Sa rencontre avec River, qui aurait dû le marquer (elle avait après tout un aspect incroyablement tragique, à plus forte raison parce qu'il savait comment cette histoire allait se finir dés qu'il l'a rencontrée) profondément au moins sur le plan amoureux, n'a pas eu beaucoup de conséquences non plus. Pire encore, cette intrigue s'est conclue grâce à quelque galipette du scénario. C'est formidable d'être capable d'écrire des retournements de situation surprenants et relativement imprévisibles ; mais que servent-ils vraiment sur un plan dramatique ?
Tout le paradoxe de Doctor Who depuis Eleven (et Moffat), c'est qu'on a des scènes parfois plus dures, des "méchants" parfois plus effrayants, des intrigues parfois plus complexes ou en tous cas plus tordues, qui tendent à laisser penser que la série est destinée à un public plus âgé, mais qu'en même temps celui-ci est découragé par la façon dont les intrigues ne portent jamais aucune conséquence pour le Docteur, comme dans la majorité des séries pour la jeunesse. Le Docteur est parvenu à ce stade de demi-Dieu que je redoutais tant, et même quand le scénario tente d'adresser ce problème, il est balayé de la main comme le prouve l'après Demon's Run. Inutile de dire que là où le final de la saison 6 aurait dû me laisser de l'espoir, il m'a inquiétée.
Mais pour toutes ces raisons, je ne détestais pas Amy et Rory. En fait c'est impossible puisqu'ils sont les seuls personnages récurrents de la série à bénéficier d'approfondissements, d'intrigues suivies et d'une dramatisation réelle. Le Docteur n'est à côté d'eux plus qu'un gimmick, un déclencheur. C'est lui leur Companion ! Je dois dire que j'étais un peu anxieuse à l'idée qu'un nouveau Companion fasse son apparition, selon le bon adage "on sait ce qu'on quitte, on ne sait pas vers quoi on va".
Mais Asylum of the Daleks m'a rassurée. Si Oswin est amenée à revenir (au moment du Christmas Special, apparemment), alors je peux encore espérer en une réconciliation. Tout simplement parce qu'Oswin a immédiatement été introduite de façon à prendre la pleine mesure de sa dramatisation, mais que celle-ci met en lumière quelque chose de dramatique chez le Docteur également, à travers sa haine pour les Daleks mais aussi quelque chose que nous lui connaissons bien : sa grande loyauté. Oswin est un personnage qui nous arrive brisé, et qui le réalise grâce au Docteur qui n'a plus qu'à ravaler sa haine féroce envers les Daleks pour prendre en considération ce cas pas comme les autres. Oswin aurait pu être un Cyberman : nous savons que c'est une race de l'univers de Doctor Who bien plus encline à transformer les êtres humains pour les assimiler ; mais un Cyberman n'est pas aussi farouchement haï par le Docteur qu'un Dalek, jamais. Et devant cet épisode d'une émotion rare (surtout récemment) pour la série, j'ai aussi réalisé que non seulement nous allions avoir affaire à un nouveau Companion très sombre, bien qu'une d'une pétillance à toute épreuve, mais nous allions aussi, enfin, réapprivoiser les ténèbres du Time Lord, et je dois bien l'admettre, ça, ça me fait très envie.
Oh, on n'y est pas encore. Car il y a, avant le Christmas Special, bien des épisodes en quasi stand-alone, des dinosaures et des Weeping Angels en chemin. Mais pour la première fois depuis novembre 2010, je ne regarde pas Doctor Who parce que j'ai envie de m'y plaire, mais parce que je suis sincèrement intriguée et curieuse. Ca fait un choc quand ça se produit. Mais je suis ravie d'avoir trouvé là une chance de me rabibocher avec la série...
PS : n'hésitez pas à lire cet article particulièrement intéressant sur les bienfaits de la VOD bien ordonnée en Australie ce weekend. C'est Doctor Who-related mais pas seulement.

Comme à chaque fois, quand je lis un de tes articles portant sur Doctor Who, j'ai l'impression de voir tout ce que je pense des épisodes et de la série en général couché blanc sur violet. C'est absolument dingue. Le plus drôle étant qu'on a englouti les premières saisons à la même période et dans le même laps de temps.
Je suis donc entièrement d'accord avec toi.
Si j'ai pas vraiment accroché à l'histoire générale de cet épisode, j'ai retrouvé un peu de "l'ancienne version de DW". Il y avait quelques scènes réellement magnifiques et j'ai presque complètement adhéré à Matt Smith sur la fin. J'ai beau beaucoup aimer Amy et Rory, j'ai hâte qu'ils partent pour qu'on puisse respirer un peu et mettre tout cette histoire derrière nous. Je me fais probablement des illusions, mais cet épisode m'a donné envie d'y croire et j'attends la suite avec un meilleur état d'esprit.