26 mars 1980/Mort à Paris de Roland Barthes

Par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours


  Il y a 28 ans, le 26 mars 1980, mourait le sémiologue Roland Barthes, rattrapé par « la motivation des signes » ; fauché le 25 février 1980 par la camionnette d'un blanchisseur, alors même qu’il sortait du Collège de France, Roland Barthes est hospitalisé à La Pitié-Salpêtrière, il meurt un mois plus tard.


Mouvance du signe 1
Encre©MCS


PETIT FLORILÈGE BARTHESIEN (OU BARTHIEN) :

  « Chaque fois que l’écrivain trace un complexe de mots, c’est l’existence de la Littérature qui est mise en question ; ce que la modernité donne à lire dans la pluralité de ses écritures, c’est l’impasse de sa propre Histoire. »

Roland Barthes, « Triomphe et rupture de l’écriture bourgeoise », Le Degré zéro de l’écriture [1953], Seuil, Collection Points, 1972, p. 45.

  « L’argent prouve le vice et il entretient la jouissance : non parce qu’il procure des plaisirs (chez Sade, ce qui « fait plaisir » n’est jamais là « pour le plaisir »), mais parce qu’il assure le spectacle de la pauvreté ; la société sadienne n’est pas cynique, elle est cruelle ; elle ne dit pas : il faut bien qu’il y ait des pauvres pour qu’il y ait des riches ; elle dit le contraire : il faut qu’il y ait des riches pour qu’il y ait des pauvres : la richesse est nécessaire parce qu’elle constitue le malheur en spectacle. »

Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola, Éditions du Seuil, 1971, page 27.

  « Toute la Recherche est sortie des noms. Encore faut-il bien les choisir - ou les trouver. C’est ici qu’apparaît dans la théorie proustienne du Nom, l’un des problèmes majeurs, sinon de la linguistique, du moins de la sémiologie : la motivation du signe. Sans doute ce problème est-il ici quelque peu artificiel, puisqu’il ne se pose en fait qu’au romancier, qui a la liberté (mais aussi le devoir) de créer des noms propres à la fois inédits et « exacts » ; mais à la vérité, le narrateur et le romancier parcourent en sens inverse le même trajet ; l’un croit déchiffrer dans les noms qui lui sont donnés une sorte d’affinité naturelle entre le signifiant et le signifié, entre la couleur vocalique de Parme et la douceur mauve de son contenu ; l’autre, devant inventer quelque lieu à la fois normand, gothique et venteux, doit chercher dans la tablature générale des phonèmes, quelques sons accordés à la combinaison de ces signifiés ; l’un décode, l’autre code, mais il s’agit du même système et ce système est d’une façon ou d’une autre un système motivé, fondé sur un rapport d’imitation entre le signifiant et le signifié. Codeur et décodeur pourraient reprendre ici à leur compte, l’affirmation de Cratyle : « La propriété du nom consiste à représenter la chose telle qu’elle est. » Aux yeux de Proust, qui ne fait que théoriser l’art général du romancier, le nom propre est une simulation ou, comme disait Platon (il est vrai avec défiance), une « fantasmagorie ».

Roland Barthes, « Proust et les noms », Le Degré zéro de l’écriture, suivi de Nouveaux essais critiques, Éditions du Seuil, 1953 et 1972, page 128.

  « En face de ce bloc tellurique, Phèdre est déchirée : par son père Minos, elle participe à l’ordre de l’enfoui, de la caverne profonde ; par sa mère Pasiphaé, elle descend du Soleil ; son principe est une mobilité inquiète entre ces deux termes ; sans cesse, elle renferme son secret, retourne à sa caverne intérieure, mais sans cesse aussi, une force la pousse à en sortir, à s’exposer, à rejoindre le Soleil ; et sans cesse elle atteste l’ambiguïté de sa nature : elle craint la lumière et l’appelle; elle a soif du jour et elle le souille: en un mot son principe est le paradoxe même d’une lumière noire, c'est-à-dire d’une contradiction d’essences. »

Roland Barthes, Sur Racine, Éditions du Seuil, 1963, page 114.


Source


Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) Roland Barthes/Doublement pervers ;
- (sur Terres de femmes) 12 novembre 1915/Naissance de Roland Barthes ;
- (sur Terres de femmes) Anamnèse du lait ;
- (sur Terres de femmes) Système de la mode.



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